Ce chant, très ancien et dont l’auteur n’est pas connu, s’est répandu dans toutes les communautés d’Israël.

Contrairement à beaucoup de chants de Chabbath, il n’a aucun lien avec cette journée, mais il reprend, en l’abrégeant, l’essentiel du birkath ha-mazone, raison pour laquelle on s’est demandé s’il était permis de le chanter pendant l’un des repas du Chabbath.

De fait, ce chant, comme nous le verrons plus loin, suit très exactement l’ordre des bénédictions que l’on a l’habitude de réciter après un repas.

Notons cependant l’absence de référence à la dernière berakha (ha-qèl avinou), qui n’a été introduite qu’après la révolte de Bar Kokhba et pour remercier Hachem de l’autorisation donnée par les Romains d’enterrer ceux qui avaient été tués à Bèthar (voir Berakhoth 48b). D’où l’on a présumé que ce chant avait été composé avant cette révolte.

Refrain (Tsour michélo) :

« Rocher, de qui nous avons mangé, bénissez-[Le], mes fidèles ! Nous sommes rassasiés et nous en avons laissé de reste, selon la parole de Hachem. »

Strophe N° 1 (hazone eth ‘olamo) :

Celui qui nourrit Son univers, notre berger, notre père,

Nous avons mangé Son pain, et nous avons bu Son vin ;

C’est pourquoi nous remercions Son Nom, et Le louons par notre bouche ;

Nous disons et répétons qu’il n’est de Saint que Hachem.

Strophe N° 2 (bechir we-kol toda) :

Par un chant et une clameur de remerciement nous bénissons notre Dieu,

Pour le pays désirable et bon qu’Il a donné en héritage à nos ancêtres ;

De nourriture et de provisions Il rassasie nos âmes ;

Sa bonté l’emporte sur nous, et vérité est Hachem.

Strophe N° 3 (ra‘hèm be‘hasdekha) :

Aie pitié dans Ta bonté de Ton peuple, ô notre rocher ;

De Sion résidence de Ton honneur, demeure de notre splendeur ;

Que vienne et nous libère le fils de David, Ton serviteur,

Le souffle de nos narines, l’oint de Hachem (Voir Eikha 4, 20).

Strophe N° 4 (yibané ha-miqdach) :

Que soit édifié le Sanctuaire, remplis la ville de Sion ;

Et là nous chanterons un chant nouveau, et nous monterons dans la joie.

Le miséricordieux sanctifié, qu’Il soit béni et exalté,

Sur une coupe pleine de vin, selon la bénédiction de Hachem.

Le développement de ce chant, on peut le constater, suit très exactement celui du Birkath ha-mazone. La première des quatre strophes (« Celui qui nourrit Son univers… ») renvoie au début de la première berakha (« Celui qui nourrit le monde tout entier… »).

La deuxième strophe (« Par un chant et une clameur de remerciement… ») évoque, tout comme le deuxième paragraphe du Birkath ha-mazone, le pays que Hachem a donné à nos ancêtres.

La troisième strophe (« Aie pitié dans Ta bonté de Ton peuple… ») implore la bonté de Hachem, de même que le troisième paragraphe du Birkath ha-mazone (« Aie pitié, Hachem notre Dieu, d’Israël Ton peuple… »). Les deux constituent des plaidoiries, rédigées dans des termes presque identiques, pour le rétablissement de Sion et de la royauté de David.

Quant à la quatrième et dernière strophe, elle évoque la « coupe pleine de vin » sur laquelle nous récitons une berakha à la fin du Birkath ha-mazone.

« Notre ancêtre Abraham invoquait le Nom du Saint béni soit-Il devant tous ceux à qui il prodiguait son hospitalité. Après qu’ils avaient mangé et bu, et qu’ils s’apprêtaient à le remercier, il leur rétorquait : “Est-ce de moi que vous avez mangé ? N’est-ce pas du Créateur de l’univers ? Puisque vous avez mangé, remerciez-Le, bénissez-Le et faites Son éloge !” » (Yalqout chim‘oni Berèchith 21, 95).

Ce chant s’articule comme un développement de ce Midrach : Après que les convives ont mangé et bu, le maître de maison les avertit : « La nourriture que vous avez consommée ne vient pas de moi. Bénissez, mes fidèles, le « rocher », car c’est de Lui que vous avez mangé, pas de moi. Nous sommes rassasiés et nous en avons laissé de reste. C’est pourquoi vous devez bénir Hachem ainsi qu’il nous a été ordonné de le faire (Devarim 8, 10) : « Tu mangeras, tu seras rassasié et tu béniras… »

L’expression « Nous sommes rassasiés et nous en avons laissé de reste » peut également se comprendre par référence à II Rois 4, 43, lorsque le prophète Elisée a mis fin à une famine qui accablait le Royaume d’Israël : « … Car ainsi dit Hachem : On mangera, et il y en aura de reste. »

Jacques KOHN Zal