Kol meqadech

La première des zemiroth chantées à la table familiale le vendredi soir, qui commence par les mots : Kol meqadech , a été composée par rabbi Moché bar Kalonymos , (Italie – dixième siècle). Issu d’une célèbre famille de payetanim , il a lui-même composé de nombreux piyoutim (« poèmes synagogaux »), et il a contribué à la fixation de nombreux minhaguim en honneur en Italie et en Allemagne.

On rapporte que le père de rabbi Moché , rabbi Kalonymos bar Mechoulam , a reçu en rêve la révélation du texte du piyout intitulé Ounethané toqef , qui sera composé dans les circonstances tragiques que l’on connaît par rabbi Amnon de Mayence, et que l’on récite pendant la prière de Moussaf de Roch hachana et également, dans certaines communautés, pendant celle de Yom kippour .

Kol meqadech se compose de sept strophes :

Strophe N° 1 :

Quiconque sanctifie le septième [jour de la semaine] comme il convient, quiconque garde le Chabbath conformément à la loi [et s’abstient] de le profaner, sa récompense sera très importante selon ce qu’il a accompli. « [Les enfants d’Israël camperont, chaque] homme dans son camp et [chaque] homme selon son drapeau » ( Bamidbar   1, 52).

Commentaire :

La présence de ce verset à la fin de la strophe s’explique par référence à un dicton talmudique selon lequel « si tous les enfants d’Israël observaient deux Chabbathoth consécutifs, ils seraient aussitôt libérés » ( Chabbath  118b).

La double indication de « garder le Chabbath  » et de « s’abstenir de le profaner » établit un lien entre ce respect complet du Chabbath et la récompense qui lui sera attachée : « [chaque] homme dans son camp et [chaque] homme selon son drapeau. »

Strophe N° 2 :

Ceux qui aiment Hachem et attendent la construction d’Ariel se réjouissent et exultent le jour du Chabbath comme ceux qui ont reçu le cadeau de Na‘haliel. Ils élèvent également leurs mains en sainteté et ils disent à Dieu : « Béni soit Hachem qui a donné le repos à Son peuple Israël ! » (I Rois 8, 56).

Commentaire :

Le mot « Ariel » désigne l’autel ( Rachi ad Isaïe 29, 1), et plus généralement le sanctuaire ( ‘hèkhal – voir Michna Middoth  4, 7). Celui-ci avait en effet la forme d’un lion ( ari ), large au devant et effilé à l’arrière.

Quant à Na‘haliel, il désigne la Tora , notre héritage ( na‘hala – voir ‘Erouvin  54a).

Le verset par lequel se termine la strophe a été emprunté à la prière que Salomon a adressée à Hachem lors de l’inauguration du Temple.

Strophe N° 3 :

Ceux qui cherchent Hachem , descendance d’Abraham Son aimé, ceux qui tardent à sortir du Chabbath et qui se hâtent d’y entrer, [ceux-là] se réjouissent de l’observer et de respecter son ‘èrouv . « Voici le jour que Hachem a fait ; égayons-nous et réjouissons-nous en lui ! » (Psaumes 118, 24).

Commentaire :

L’expression « descendance d’Abraham Son aimé » est empruntée à Isaïe (41, 8) : « Et toi, Israël, Mon serviteur, Jacob, que J’ai choisi, descendance d’Abraham Mon ami… » Elle désigne par conséquent les Juifs fidèles à Hachem .

« Tarder à sortir du Chabbath et se hâter d’y entrer », c’est se conformer à l’injonction halakhique qui nous demande, afin d’écarter tout risque de profanation du Chabbath , d’étendre ses limites dans le temps en avançant son entrée le vendredi et en retardant sa sortie le samedi soir ( Choul‘han ‘aroukh Ora‘h ‘hayyim  261, 2).

Nous avons également le devoir, comme le rappelle cette strophe, de respecter le ‘èrouv , ce mot désignant ici le ‘èrouv ‘hatséroth ( ‘èrouv permettant, sous certaines conditions, de transporter des objets à l’intérieur d’un quartier ou d’un immeuble occupé par plusieurs familles juives) tout comme le ‘èrouv te‘houmim ( ‘èrouv nous autorisant à dépasser les limites d’une agglomération). Alors nous nous réjouirons le Chabbath comme l’annonciateur de notre libération.

Strophe N° 4 :

Souvenez-vous de la Tora de Moïse [pour observer] la mitswa de Chabbath [telle qu’elle est] formulée. [Le Chabbath ] est serti dans le septième jour comme une fiancée entre ses demoiselles d’honneur. Ceux qui sont purs en prendront possession et le sanctifieront en parlant de « tout ce qu’Il avait fait » ( Berèchith 2, 2). « Dieu termina le septième jour Son travail qu’Il avait fait » ( Ibid .).

Commentaire :

Etant donné que « les lois de Chabbath sont comme des montagnes suspendues à un cheveu : peu de lecture et beaucoup de halakha  » ( ‘Haguiga  10a), prenons garde de veiller à les observer telles qu’elles sont développées dans la loi orale. L’institution du Chabbath est sertie, au sein des Dix commandements, comme une fiancée entre ses demoiselles d’honneur. Les enfants d’Israël le sanctifieront en récitant le Qiddouch , où il est écrit : « Dieu termina, le septième jour, Son travail qu’Il avait fait » ( Berèchith 2, 2).

Strophe N° 5 :

Ce jour est saint depuis son début jusqu’à sa fin. Toute la descendance de Jacob l’honore comme parole du Roi et Son ordre : [Nous devons] nous y reposer et nous réjouir par le plaisir du manger et du boire. « Toute la communauté d’Israël le fera ( ya‘assou otho ) » ( Chemoth  12, 47).

Commentaire :

Rabbi Moché ‘Hayyim Efrayim de Sudilkov (1748-1800), petit-fils du Ba‘al chem tov , explique dans son ouvrage Déguel ma‘hané Efrayim la différence entre les noms Jacob et Israël : Le premier évoque la petitesse, ainsi qu’il est écrit : « Comment Jacob se relèvera-t-il ? car il est petit » (Amos 7, 2). Le second est au contraire l’expression d’une noblesse, ainsi qu’il est écrit : « … Ton nom ne sera plus Jacob, mais Israël. Car tu as lutté ( saritha ) contre Dieu et contre des hommes, et tu l’as emporté » ( Berèchith 32, 29).

Pour le Juif ordinaire, la signification du Chabbath se suffit du manger et du boire, tandis que chez le Juif distingué, ce jour-là est avant tout un signe ( oth , comme dans : ya‘assou otho ).

Dans le même ouvrage, il rapporte au nom de rabbi Lévi Yits‘haq de Berditchev l’enseignement suivant : Quiconque ne connaît pas toutes les profondeurs et toutes les sagacités contenues dans le Chabbath , mais y prend plaisir en mangeant et en buvant, s’acquiert autant de mérites que le Juif le plus savant et le plus érudit.

Strophe N° 6 :

« Etends Ta bonté sur ceux qui Te connaissent » (Psaumes 36, 11), « Dieu jaloux et vengeur » (Nahoum 1, 2). Les gardiens du septième jour pour s’en souvenir et le garder, réjouis-les par la construction de Chalem, et fais briller sur eux la lumière de Ta face. « Ils seront abondamment rassasiés de la graisse de Ta maison, et du fleuve de Tes délices Tu les abreuveras » (Psaumes 36, 9),

Commentaire :

Les « gardiens du septième jour » sont ceux qui attendent et espèrent le septième jour afin d’accomplir le zakhor des premières tables et le chamor des secondes ( ‘Ets Yossef ).

Le mot Chalem est ici synonyme de Jérusalem, comme dans : « Et Son tabernacle est en Chalem, et Son domicile en Sion » (Psaumes 76, 3).

Strophe N° 7 :

Viens à l’aide de ceux qui se reposent toujours le septième (jour, ou année s’agissant de la chemita ) de labourer et de moissonner ; ceux qui marchent à petits pas, qui y mangent pour réciter une berakha trois fois. Eclaire leur piété de la lumière des sept jours [de la Création] ! Hachem , Dieu d’Israël, amour de toujours ! Hachem , Dieu d’Israël, salut de toujours !

Commentaire :

L’interdiction de labourer et de moissonner pendant Chabbath est formulée dans Chemoth  34, 21. Elle est également en vigueur pendant l’année de chemita .

Le Choul‘han ‘aroukh ( Ora‘h ‘hayyim  90, 12 – voir aussi Chabbath 113b) interdit de marcher à grandes enjambées pendant Chabbath , sauf pour se rendre à la synagogue, d’où l’éloge de ceux qui marchent ce jour-là à petits pas.

De même méritent un compliment particulier ceux qui consomment trois repas pendant Chabbath ( Chabbath  117b et Choul‘han ‘aroukh Ora‘h ‘hayyim  354, 5).

Quant à la lumière des sept jours de la Création dont parle cette strophe, il s’agit de celle que Hachem a mise de côté à l’intention des justes pour les temps à venir ( ‘Haguiga 12a).

Jacques KOHN Zal