Ce chant, composé par rav Mena’hem di Lonsano , érudit et poète du dix-septième siècle, nous invite à jouir des plaisirs de Chabbath  : une bonne nourriture et de beaux habits. Il confronte également les interdictions qui lui sont applicables et les permissions dont il nous fait bénéficier.

Le refrain, que nous répétons après chaque strophe, pose un problème de vocabulaire :

« Pour nous délecter de délices,
De barbourim , et de cailles et de poissons. »

Le mot barbourim , en hébreu moderne, signifie « cygnes », animaux assurément non cachères.

Pour comprendre ce mot, il convient de se reporter au premier livre des Rois, dans son chapitre qui décrit les splendeurs de la cour du roi Salomon (I Rois 5). Le troisième verset de ce chapitre parle de barbourim avoussim , expression que Rachi traduit par : tarnegolim petoumim (« volailles engraissées »), expression que l’on retrouve, à peine différente, dans la première strophe.

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Strophe N° 1 :

« Comme il est amical, ton repos, toi Chabbath la reine. Aussi courons-nous à ta rencontre, viens, fiancée princesse. Revêts des vêtements précieux, pour allumer une lumière avec une bénédiction. Et balaye tous les travaux, ne faites pas de travaux. »

Le plaisir que nous promet le repos de la reine Chabbath , nous apprend la première strophe, nous incite à courir à sa rencontre comme le faisait rabbi ?Hanina ( Chabbath 119a). Aussi nous revêtons-nous de beaux vêtements et allumons-nous des lumières en récitant une berakha . A partir de ce moment nous cessons tout travail, ainsi que l’a ordonné la Tora ( Chemoth  20, 10).

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Strophe N° 2 :

« Depuis la veille on prépare toutes sortes de mets. Ils doivent être prêts alors qu’il fait encore jour, des volailles engraissées. On en prépare de nombreuses sortes, et l’on boit des vins aromatisés. Et des délices délectables pour toutes les trois fois. »

Mais avant cela, nous rappelle la deuxième strophe, il nous faut préparer la veille les délicieux aliments que nous consommerons ce jour-là, des volailles engraissées, ainsi que toutes sortes de bonnes choses et des vins aux aromates, qui serons servis à chacun des trois repas du Chabbath .

Car « celui qui se donne du mal la veille de Chabbath aura de quoi manger pendant Chabbath , et celui qui ne se donne pas du mal la veille de Chabbath qu’aura-t-il à manger pendant Chabbath  ? » ( ?Avoda zara 3a).

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Strophe N° 3 :

« L’héritage de Jacob sera notre héritage, un héritage sans restrictions. Et l’honoreront riche et pauvre, et ils mériteront la libération. Le jour de Chabbath , si vous le gardez, vous serez pour Moi un bien précieux. Six jours vous travaillerez, et le septième nous nous réjouirons. »

L’affirmation que « nous hériterons de l’héritage de Jacob » reproduit un enseignement de la Guemara  : « Quiconque prend du plaisir le Chabbath , on lui donne un héritage sans restrictions? » ( Chabbath 118a).

Quand tous les enfants d’Israël, « riches et pauvres », honoreront le Chabbath , ils deviendront dignes de la libération, ainsi qu’il est écrit : « Lorsque les enfants d’Israël observeront deux Chabbathoth , ils seront aussitôt libérés » ( Chabbath 118a).

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Strophe N° 4 :

« Tes activités sont interdites, et aussi dresser des comptes. Les pensées sont permises, [et il est également permis] de fiancer les filles. Et le jeune enfant de lui apprendre un livre, au chef de musique [qui dirige] les chants. Et de méditer sur de belles paroles, dans tous les coins et camps. »

Il est interdit, le Chabbath , de se livrer à des activités de la semaine, comme dresser des comptes. On a le droit, en revanche, d’y réfléchir et de s’occuper aux fiançailles des jeunes filles.

Il est en effet écrit : « Si tu cesses de fouler aux pieds le Chabbath , de faire ton plaisir en mon saint jour, si tu appelles le Chabbath tes délices, et honorable le saint jour de Hachem , si tu l’honores en t’abstenant de suivre tes propres chemins, de t’occuper de tes intérêts et de dire des paroles vaines, alors tu trouveras tes délices en Hachem , et Je te ferai dominer les hauteurs de la terre, et je te nourrirai de l’héritage de Jacob, ton père : car la bouche de Hachem a parlé » (Isaïe 58, 13).

La Guemara ( Chabbath 150a) interprète les mots « de t’occuper de tes intérêts et de dire des paroles vaines » comme signifiant qu’il est interdit de parler, mais permis de réfléchir, de fiancer des jeunes filles et de s’occuper des études et du métier de ses enfants. Mais on n’a pas le droit de réfléchir aux comptes de ses opérations passées et de celles à venir.

L’expression : « et le jeune enfant de lui apprendre un livre », comporte ici une signification bien précise : Elle signifie qu’il est permis d’engager un instituteur, mais non de lui fixer un salaire ( Choul?han ?aroukh Ora?h ?hayyim  306, 7). Or, il est également interdit, ainsi qu’il est indiqué dans Nedarim 36b, de rémunérer un enseignant en Tora orale, mais il est permis de le faire pour qu’il apprenne à un enfant la Tora écrite ( miqra ). C’est ce que nous rappelle ici l’expression : « et le jeune enfant de lui apprendre un livre », le « livre » en question étant la Tora écrite ( ?Ets Yossef ).

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Strophe N° 5 :

« Que ta démarche soit calme, [car] le Chabbath est appelé délice. Et le sommeil est méritoire, instrument du réveil de l’âme. C’est pourquoi mon âme a de la nostalgie pour Toi, pour reposer dans l’amour. Entourée de roses, en lui se reposeront fils et fille. »

Ta manière de marcher pendant Chabbath sera détendue, ainsi que le recommande la Guemara ( Chabbath 113b) : « On ne doit pas, le Chabbath , marcher à grandes enjambées, car cela prive les gens de cinq centièmes de leur acuité visuelle. »

Mais est particulièrement bienvenu le sommeil du Chabbath , car il restitue à l’homme la tranquillité de son âme.

Le Chabbath nous entoure de roses, barrières qui s’opposent à ce que nous dépassions les limites à ne pas franchir au-delà des distances permises.

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Strophe N° 6 :

« Le jour du Chabbath de repos possède un avant-goût du monde à venir. Tous ceux qui y prennent plaisir mériteront une joie considérable. Des douleurs du Messie ils seront sauvés [et bénéficieront] du bien-être. Notre libération fleurira, et disparaîtront tristesse et gémissements. »

L’expression mè?èyn ?olam haba (« avant-goût du monde à venir »), qui se trouve fréquemment dans la littérature rabbinique (voir notamment Otsar ha-Midrachim [Eisenstein] 439 s.v. we-a?haraw hotsiou  ; Kuzari [5, 10]), correspond à l’idée selon laquelle le monde à venir constituera un Chabbath parfait, dépourvu des obsessions de la vie quotidienne.

Quant aux « douleurs du Messie » ( ?hevlei Machia?h ), ce sont celles qui précéderont la venue de notre Libérateur, à la manière dont les « douleurs de l’accouchement » ( ?hevlei lèda ) précèdent la naissance d’un enfant. « Celui qui fait trois repas le Chabbath sera épargné par les douleurs du Messie » ( Chabbath 118a).

On peut constater, en conclusion, que ce chant, après un commencement d’une tonalité très hédoniste, voire jouisseuse (volailles engraissées, vins aromatisés, etc.), s’élève progressivement jusqu’à définir de ce qui est permis et de ce qui est interdit pendant Chabbath , pour s’achever sur la préfiguration messianique de ce jour particulier de la semaine.

Jacques KOHN Zal

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