Ce chant est dû à la plume d’Abraham ibn Ezra (1090-1165), rabbin, poète, grammairien, traducteur, commentateur, philosophe, mathématicien et astronome. Il fut l’un des plus éminents érudits juifs de l’Âge d’Or espagnol.

Tsama nafchi formait à l’origine, comme le suggèrent ses derniers mots, une introduction à nichmath kol ‘haï, prélude aux prières du matin de Chabbath et des jours de fête. C’est plus tard qu’il a été incorporé, avec diverses nuances selon les rites, dans les zemiroth chabbatiques. C’est ainsi que le ‘Hatham sofèr avait pour habitude de l’entonner le vendredi soir avant Kiddouch.

Cette caractéristique première d’introduction à nichmath kol ‘haï a été préservée par les Juifs d’origine irakienne, mais uniquement à Chemini ‘atsérethSim‘hath Tora, cette fête associant le recommencement de la lecture de la Tora et la Création de l’univers.

S’il fait partie, dans les familles achkenazes, de l’ensemble des zemiroth de Chabbath chantées le vendredi soir, il est d’usage chez les Juifs marocains de ne l’entonner que Chabbath ‘Hayyei Sara, peut-être par association du nom de ce Chabbath avec le mot « ‘haï » (« vivant ») par lequel se termine chaque strophe.

Il convient cependant de noter qu’il ne contient aucune référence à Chabbath lui-même, particularité qu’il partage avec Yah ribbon ‘olam de rabbi Israël ben Moché Najara et avec Tsour michélo.

Le texte même de ce chant connaît diverses variantes, ce qui paraît suggérer qu’il a recueilli des interpolations postérieures. Nous n’avons retenu ici que les strophes dont la succession des lettres initiales compose l’acronyme « Abraham ben Ezra ».

Ce chant, comme l’indiquent ses premiers mots, est placé sous le signe de la soif de Hachem. De la soif et non de la faim, car un homme, explique son auteur dans son commentaire des Psaumes (43, 3), « lorsqu’il boit de l’eau, est aussitôt désaltéré, alors que le pain ne le rassasie qu’un temps après. C’est pourquoi, la vie de l’homme étant dépendante de l’eau qu’il absorbe, la nostalgie de Hachem ressemble à de la soif ».

1. Mon âme a soif du Dieu vivant (Psaumes 42, 3); mon cœur et ma chair célèbrent le Dieu vivant (Psaumes 84, 3).

2. Un Dieu vivant m’a créé, et il a dit : « Je suis vivant » (Bamidbar 14, 21 passim) ; car l’homme ne peut Me voir et vivre (Chemoth 33, 20).

3. Il a tout créé avec de la sagesse, avec un dessein et avec une intention ; et elle est très voilée aux yeux de tout vivant (Job 28, 20).

4. Plus élevé que tout est Son honneur, chaque bouche dira Sa gloire ; béni soit Celui dans la main duquel est l’âme de tout être vivant (Job 12, 10).

5. Il a séparé (des autres peuples) les petits-fils du « simple » (c’est-à-dire de Jacob, « homme “simple” qui habitait les tentes [Berèchith 25, 27]), pour leur enseigner les lois ; (celles) par lesquelles l’homme, s’il les pratique, vivra (Wayiqra 18, 5).

6. Celui qui est justifié ressemble à une fine poussière (Isaïe 29, 5) ; il est avéré que ne sera justifié devant Toi aucun vivant (Psaumes 143, 2).

7. Dans le cœur un important désir, à la ressemblance du venin de tarentule (Psaumes 140, 4) ; et comment reviendra-t-elle, la chair vivante ? (Wayiqra 13, 16).

8. S’ils le veulent, ceux qui se sont retirés, (s’ils) se sont repentis de leurs voies ; avant qu’ils reposent dans la maison de rassemblement de tous les vivants (Job 30, 23).

9. Je Te remercie pour tous Tes actes ; (Toi qui) ouvres Ta main, et qui rassasies à souhait tout ce qui est vivant.

10. Souviens-Toi de l’amour (que Tu as porté) aux Anciens, et fais revivre ceux qui dorment ; et fais approcher les jours où le fils de Jessé sera vivant.

11. Vois la véritable maîtresse, la servante discourante ; non, car ton fils est celui qui est mort, et mon fils est celui qui est vivant (I Rois 20, 31– paroles prononcées au cours du procès entre deux femmes qui a donné lieu à ce que l’on appelle le « jugement de Salomon »).

12. Je me prosternerai sur mon nez, et tendrai vers Toi ma paume ; (le temps est venu) que j’ouvre la bouche avec nichmath kol ‘haï.

Jacques KOHN Zal