La Torah ne se résume pas en un recueil de lois et préceptes, énonçant ce qui est permis ou interdit. Elle est avant tout la Science divine par excellence qui apprend aux hommes quel regard porter sur le monde et qui leur enseigne le sens profond des choses.

C’est pour cette raison que les maîtres de notre peuple sont appelés par la Torah : « Les yeux de l’assemblée » (Bamidbar, 15, 24), ou encore : « Les yeux du peuple » (Vayikra, 4, 13). Et ce, parce que ces hommes sont dotés d’un sens visuel accru et d’une « vue spirituelle » qui leur permettent de saisir les événements sous toutes leurs facettes.

 

Analyses…

Dans la paracha Mikets, nous avons pu découvrir que la vente de Yossef et son emprisonnement constituèrent précisément les événements qui le conduisirent jusqu’au trône d’Egypte. Or de toute évidence, nul n’était en mesure de prédire ce dénouement, et si ses frères avaient seulement envisagé la tournure que prendraient les évènements, jamais ils n’auraient vendu leur frère…

En fait, non seulement la vente de Yossef le propulsa jusqu’au trône égyptien, mais, de surcroît, c’est par son entremise que toute la famille de Yaacov fut sauvée de la famine : jamais les voies du Ciel ne furent plus impénétrables !
L’auteur du « ‘Hovot haLévavot » écrit à ce sujet ces quelques lignes édifiantes : « Tu décèleras les prodiges du Créateur dans Sa manière d’administrer le monde en considérant toujours le dénouement final des événements. Notamment ceux qui surviennent contre notre gré et qui, au début, paraissent malheureux, mais qui se concluent finalement pour le bien. Ainsi, on raconte qu’un groupe de voyageurs avait décidé de passer la nuit près d’un grand mur. Pendant leur sommeil, un chien s’était frotté à l’un d’eux et l’avait souillé. Ce dernier, réveillé par l’animal, s’était éloigné pour se laver. Pendant ce temps, le mur s’était écroulé sur les hommes, et c’est ainsi qu’il eut la vie sauve. Or, ce genre d’histoires arrive fréquemment… ».

« Le Puissant fait tout trembler »

C’est exactement ce même type de propos que tint Yossef à ses frères lorsqu’il se dévoila à eux : « A présent, ne vous affligez pas, ne soyez pas irrités de m’avoir vendu, (…) car c’est pour notre survie que l’Eternel m’y a envoyé avant vous (…) pour vous préparer une ressource (…). Ce n’est donc pas vous qui m’avez envoyé ici, c’est l’Eternel ! », (Béréchit, 45, 5-8).
Ces mots n’ont rien de lénifiants et ne constituent nullement des paroles consolatrices destinées à apaiser la mauvaise conscience des fils de Yaacov, car pour Yossef, il s’agit là d’une vérité incontestable et d’une réalité qui s’étaient dévoilées à lui au fil de ses nombreux périples.
Rav Chimchon Raphaël Hirsch établit une relation entre les versets de notre paracha et cette maxime extraite des Proverbes (26, 10) : « Le Puissant fait tout jaillir, Il prend à Sa solde sots et vagabonds ». Le Saint béni soit-Il élabore tous les évènements survenant dans le monde, et pour ce faire, il emploie tous les moyens à Sa disposition en exploitant même les sots et les vagabonds…

Une étonnante supplique de Yaacov ?

Avant que l’heureux dénouement de toute cette intrigue ne soit connu de notre patriarche Yaacov, ce dernier avait déclaré à ses fils : « Pourquoi m’avez-vous fait ce mal d’apprendre à cet homme que vous avez encore un frère ? », (43, 6). A ce propos, Citant la prophétie d’Isaïe « Pourquoi dis-tu, ô Yaacov, t’écries-tu ô Israël : ‘Ma voie est inconnue de l’Eternel (…)’ », (Isaïe 40, 27), le Midrach la commente en ces termes : « Rabbi Lévi disait au nom de Rabbi ‘Hama bar ‘Hanina : C’est ici la seule fois que Yaacov prononça des paroles vaines. Le Saint béni soit-Il s’était alors exclamé : ‘Moi, Je suis occupé à faire régner son fils sur l’Egypte, et lui, il se plaint [en disant] ‘pourquoi m’avez-vous fait ce mal’ ? C’est à ce sujet qu’il est dit : ‘Ma voie est inconnue à l’Eternel’ ».

Pour un homme de la stature morale de Yaacov, il lui fallait comprendre que toutes les voies du Ciel ne sont destinées qu’à sa survie et son bonheur ! C’est pourquoi on attendait fort légitimement de lui qu’aucune plainte ne sorte de sa bouche… Car bien que le sort de sa famille ne fît, a priori, qu’empirer au fil des évènements, la conclusion de cette histoire prouva combien son regard était alors erroné.

« Yossef étendra sa main sur tes yeux »

Selon le Sfat Emet, c’est en ce sens que cette annonce fut faite à Yaacov à son départ pour l’Egypte : « Moi-même, Je descendrai avec toi en Egypte, Moi-même aussi Je t’en ferai remonter », (46, 4). D’après cet auteur (Vayigach année 5632), c’est là une déclaration implicite adressée à toutes les générations futures afin de leur révéler que tous les tourments [Métsarim, homonyme de Mitsraïm-l’Egypte] qu’elles rencontreront ne surviendront en fait que pour leur bien. Certes, ces moments seront éprouvants, mais en sachant que D.ieu les accompagne dans toutes ces vicissitudes, les Juifs sauront mieux les supporter.

Dans ce verset, l’accent est d’ailleurs mis sur le fait que D.ieu « t’en fera aussi remonter » : c’est-à-dire que toutes ces épreuves ne seront destinées qu’à rehausser la situation du peuple juif à un niveau même supérieur que celui qu’il connut dans ces meilleures heures.

Il convient de se remémorer continuellement ces grands principes de notre histoire ! Car la conscience de cette réalité, outre la force qu’elle peut insuffler dans nos cœurs, constituera aussi un mérite certain qui nous rapprochera assurément de la très prochaine venue du Machia’h. Amen !

Adapté par Y. Bendennoune à partir d’un article du rav Moché Reiss pour Hamodia en hébreu