La paracha Vayé’hi contient les bénédictions que Yaacov Avinou a décernées à ses enfants lors de ses derniers instants… Yissa’har sera celui qui se vouera le plus à l’étude de la Torah, au point que son frère Zevouloun se chargera quant à lui de devoir lui procurer sa subsistance. Yaacov Avinou le bénit en le comparant à un « âne musclé » qui se repose entre les collines. Mais pourquoi cette comparaison qui semble si peu élogieuse… ?

Le Yalkout Léka’h Tov cite une belle réponse du rav Markowitz chlita. Il remarque la différence qu’il y a entre le repos du cheval et… celui de l’âne. En effet pour que le cheval puisse se reposer, il faut le libérer de tout son harnais et lui permettre de gambader à sa guise. C’est là son loisir idéal. L’âne quant à lui n’a besoin que d’un coin tranquille : il peut parfaitement s’y reposer tout en gardant sa charge sur son dos. De même, pour jauger sérieusement un véritable Ben Torah, il faut toujours l’observer en dehors de ses heures d’étude…


Si en se reposant de son limoud, il garde et assume toute ses responsabilités religieuses et morales, s’il continue de porter sur ses épaules le « joug de la Torah » et de la crainte de Hachem – la « Yirat Chamayim » -, alors il est bel et bien un Ben Torah authentique. Tandis que celui qui dans ses moments de repos se libère de son joug, n’est pas un vrai Ben Torah : il ressemble au cheval car même s’il étudie régulièrement certaines heures, il n’a guère intégré la Torah dans son for intérieur et ses « middot » (qualités du caractère humain). Yaacov Avinou a donc ainsi trouvé élogieux de comparer Yissa’har à un âne, car jour et nuit, pendant l’étude ou la prière et même au repos, il porte bel et bien en lui le joug de la Torah.

Rester constamment dans la voie de Hachem !

En effet, un Ben Torah ne doit jamais quitter ce « joug » et sa crainte de Hachem. Or, cette attitude ne concerne pas seulement son devoir de respecter ses heures incontournables d’étude de la Torah et ses moments de prières ! Car à chaque jour de sa vie et à chaque pas, il doit être guidé par un mode et un style de vie inspirés directement de la Torah et qu’il a découverts dans la Torah : autrement dit par le « Dére’h haTorah ». Ceci implique aussi bien tous les aspects physiques de l’être et de la conduite quotidienne que le côté spirituel, son comportement envers autrui et bien évidemment son attitude envers Hachem. À aucun moment, il ne peut donc s’affranchir de ces traits de sa personnalité ! On sait que celui qui accède aux mitsvot s’appelle un « bar mitsva » (ou une « bat mitsva » pour une fille), ce qui signifie littéralement fils (ou fille) de la mitsva. Pourtant, celui qui commet une avéra (transgression) n’est pas appelé « bar avéra », mais baal avéra – pour ainsi dire mari d’une transgression. En effet, le lien avec la mitsva est aussi inséparable que celui d’un fils avec son père : jamais le fils ne cessera d’être le fils de son père !! Par contre, celui qui a fauté peut parfaitement se séparer de sa faute grâce à la téchouva, à l’instar du mari qui peut se séparer de sa femme par le divorce.

Ainsi le Ben Torah est-il continuellement un « fils de la Torah » : c’est de la Torah qu’il reçoit l’enseignement de sa vie ; la Torah lui inspire tous les sentiments dont il doit être animé envers son Créateur comme envers son entourage.

Les deux visages d’Aristote…

Le fameux philosophe grec Aristote fut un jour accusé d’avoir commis une faute immorale. À la question qu’on lui posa en lui demandant comment pouvait-il se permettre, lui, ce si grand personnage, un tel écart moral, il répondit qu’il n’était Aristote qu’au moment où il enseignait sa philosophie… Mais que dès qu’il sortait de ses cours, il n’était plus du tout Aristote ! Ce qui a conduit nos Sages à dire dans le Midrach (Ei’ha Rabati, 2/17) : « La sagesse peut certes se trouver chez d’autres peuples, mais il est impossible de trouver chez eux la Torah »… Simplement parce que toute contradiction entre le niveau théorique et le niveau pratique d’un être est totalement indigne d’un vrai Ben Torah.

On sait à ce propos que la mitsva des tsitsit a pour fonction de nous aider à nous souvenir de toutes nos obligations envers le Créateur et les autres hommes. À chacun donc de se trouver des moyens « mnémotechniques » supplémentaires pour pallier tout risque d’oubli… à telle enseigne qu’à tout moment, en tout endroit et en toutes circonstances on puisse reconnaître en nous de véritables enfants de la Torah : des Bné Torah dont le lien profond et intangible avec les exigences de la vie juive puisse dignement résister à toutes les épreuves de l’existence !!!

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française