Dans la Paracha Vayakel (Chemot, 35/3), il est dit : « Vous n’allumerez aucun feu dans toutes vos demeures, le jour de Chabbat ». Le Saint Zohar voit dans ce verset une allusion particulière à la flamme de la colère. Il semblerait donc que la colère soit spécialement interdite le jour de Chabbat…

En fait, la Torah interdit la colère tout au long de la semaine, et pas seulement le Chabbat ! Ainsi, le Traité talmudique Nédarim (page 22/a) déclare que quiconque se met en colère ressemble à celui qui commet la faute de l’idolâtrie et il mérite l’enfer !

Sachant pertinemment que tout ce qui nous arrive est une conséquence de la Volonté divine – qu’il s’agisse d’un retard imprévu, d’un accrochage avec quelqu’un ou d’un mauvais résultat obtenu malgré tous les efforts que nous avons préalablement déployés – , se mettre en colère signifierait carrément se révolter contre la Volonté divine.

Toutefois, un refus de se soumettre au déroulement des évènements à venir pourrait être légitime car nous avons non seulement le droit, mais même l’obligation de chercher à améliorer notre situation lorsqu’elle est mise en péril. Cependant, la colère exprime un sentiment de révolte contre le passé : autrement dit, il s’agit d’un refus d’accepter la Volonté divine qui s’est déjà manifestée, ce qui équivaut en fait à nier D.ieu et à se comporter de manière « idolâtre ». Les pires choses peuvent arriver à cause de la colère…

Outre cette grave infraction résidant dans l’attitude de celui qui se met en colère, cette conduite génère des ravages encore plus terribles que toute autre faute car elle nous met dans un état où l’on perd son esprit et la maîtrise de soi. Et les pires choses peuvent arriver alors…

Evidemment, il y a des circonstances où il est nécessaire de se fâcher au moins un peu et superficiellement. Par exemple, pour imposer la vérité à celui qui est dans l’erreur. Quelquefois aussi, l’éducation des enfants exige que l’on se fâche quelque peu pour leur faire comprendre l’importance que l’on attache à certaines exigences et à certaines nécessités incontournables.

Or, dans toutes ces situations, il est important de ne pas perdre son « self control » – la maîtrise de soi – et en quelque sorte de « mimer » la colère par pur souci pédagogique ! C’est ce que nos Sages appellent « la colère du visage qui n’est pas la colère du coeur ». Le rav Pinkus, zatsal, compare ainsi cette notion à celle d’un feu, qui dans des proportions spécifiques et contrôlées, peut évidemment servir à chauffer un appartement, tandis que dans d’autres circonstances, il risque fort d’incendier tout un bâtiment ! De même, lorsqu’une colère est limitée, elle s’avère utile car elle ne risque pas d’embraser toute la maison.

Une certaine forme de colère contrôlée peut s’avérer utile !

Il nous est à présent possible de mieux comprendre le sens du verset cité en exergue. S’il est vrai qu’une certaine forme de colère peut s’avérer utile – tout du moins si elle ne prend pas des proportions dangereuses -, ceci vaut pour les six jours de la semaine. Toutefois, elle n’est nullement à sa place les jours du Chabat et des fêtes ! Dans ces temps sacrés dédiés au repos et à la joie, aucune colère ne doit sévir. On sait par ailleurs que celui qui se consacre véritablement à l’étude de la Torah vit une sorte de Chabat « sept jours sur sept «. En effet, à l’instar du Chabat qui est l’âme et le centre de la kédoucha (la sainteté) de toute la semaine, ainsi l’étude de la Torah est-elle l’âme et le centre de la kédoucha du monde. Il est donc parfaitement indigne pour celui qui se consacre à l’étude de la Torah de se mettre en colère ! Pour lui, toute la semaine doit constituer, de ce point de vue, comme une sorte de Chabbat.

Ceci dit, s’il arrive à quelqu’un de se mettre en colère, il doit vite s’en repentir, car tomber dans une colère (non mesurée et recurrente) est le signal d’alarme que l’on commet plus de fautes que de mitsvot comme cela apparaît dans le contexte de la guémara Nédarim évoquée plus haut.

Dans ce cas, cette personne doit absolument amorcer une téchouva – un processusu de repentir et de « retour » aux justes valeurs – qui ne porte pas uniquement sur cette colère, mais sur toutes les autres fautes sans doute à son passif : aussi bien celles qui résultent de ses accès de colère que toutes les autres ! Il s’habituera donc à se maîtriser et ce faisant, il améliorera grandement la qualité de sa vie, parvenant peu à peu à un tout autre type de relations avec ses semblables. Et ainsi échappera- t-il efficacement à de pénibles épreuves et châtiments, tout en jouissant d’une existence longue et heureuse.

Une leçon à méditer et à exploiter par tous. Sans réserve…

Rav Hayim Yacov Schlammé

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française