Dès le 11 Tishrei, le lendemain de la réception des deuxièmes Tables de l’Alliance, Moshé Rabbeinou ordonne la construction du Beit haMikdash. Les Bnei Israël s’investissent avec un zèle extraordinaire pour réaliser ce projet, qui symbolisera le pardon de la faute du veau d’or lorsque la Shekhina d’Hashem résidera en notre sein. En un rien de temps, une quantité colossale d’or et d’argent, de teintures somptueuses et d’autres matériaux pourtant très onéreux, sont amassés, au point où un crieur public doit traverser le campement pour demander aux Bnei Israël de cesser les donations de matières premières ! [36:5-7]

La Torah décrit amplement les divers dons des Bnei Israël, en utilisant différentes expressions quelque peu étranges [36:22-24] :
וַיָּבֹאוּ הָאֲנָשִׁים עַל הַנָּשִׁים, כֹּל נְדִיב לֵב, הֵבִיאוּ חָח וָנֶזֶם… כָּל כְּלִי זָהָב,
וְכָל אִישׁ אֲשֶׁר הֵנִיף תְּנוּפַת זָהָב לַה’.
וְכָל אִישׁ אֲשֶׁר נִמְצָא אִתּוֹ תְּכֵלֶת וְאַרְגָּמָן(…) הֵבִיאוּ.
כָּל מֵרִים תְּרוּמַת כֶּסֶף וּנְחֹשֶׁת הֵבִיאוּ אֵת תְּרוּמַת ה’,
וְכֹל אֲשֶׁר נִמְצָא אִתּוֹ עֲצֵי שִׁטִּים לְכָל מְלֶאכֶת הָעֲבֹדָה הֵבִיאוּ

Hommes et femmes accoururent. Tous les gens dévoués de cœur apportèrent boucles, pendants, anneaux, colliers, tout ornement d’or; quiconque avait voué une offrande en or pour Hashem. Tout homme se trouvant en possession d’étoffes d’azur, de pourpre, d’écarlate […], en fit hommage. Quiconque put prélever une offrande d’argent ou de cuivre, apporta l’offrande d’Hashem; et tous ceux qui avaient par devers eux du bois de chittîm propre à un des ouvrages à exécuter, l’apportèrent.

Selon le Or haHaïm, la Torah a tenu à distinguer les différents niveaux d’offrande, en décrivant la largesse, le zèle et la pureté de cœur de chacun. Bien sûr, tous ont donné avec des intentions nobles, comme le témoigne le verset qui clôt ces offrandes [36:29] : כָּל אִישׁ וְאִשָּׁה אֲשֶׁר נָדַב לִבָּם אֹתָם לְהָבִיא… – Tout homme et femme, dont le cœur a désiré apporter… Il faut néanmoins distinguer 2 expressions : le Lev Nodev – utilisée par le dernier verset, du Nediv Lev – qui décrit ceux qui ont donné l’or et les bijoux. Lev Nodev signifie ‘le cœur qui donne’, tandis que Nediv Lev signifie ‘celui qui donne son cœur’. Soit, chacun donne pleinement, désireux de contribuer à la construction du Mishkan. La Torah a toutefois tenu à démarquer ceux qui ont compris la nécessité de donner une part certes conséquente de leur biens en l’honneur d’Hashem, de ceux qui ont souhaité donné tout leur être, tous leurs moyens et même plus !

Aussi, la Torah commence à décrire 2 niveaux de Nediv Lev – de ceux qui ont donné leur cœur, c.-à-d. tout ce qu’ils ont de plus précieux. A commencer par les femmes Nediv Lev, qui ont apporté tous (!!!) leurs bijoux en or, qui est un effort encore plus remarquable que celui des hommes Nediv Lev, qui ont donné généreusement leur or – car l’on est naturellement bien plus attaché à un splendide bijou, qu’à sa valeur monétaire. Le Or haHaïm déduit d’ailleurs du verset que les femmes n’ont ôté leurs parures qu’en arrivant au point de collecte, tant elles sont attachées à leurs joyaux et n’acceptent de s’en séparer que pour la gloire d’Hashem !

La 3e et 4e offrande sont les tentures d’azure et de pourpre, et les lingots d’argent. La Torah cite prioritairement les dons de tissus, en les incluant dans les Nediv Lev, bien que les cadeaux d’argent fussent parfois plus conséquents. Pourquoi ? Le Or haHaïm explique que ces tentures dans le désert étaient des matériaux rarissimes; aussi, accepter de les offrir pour le Mishkan témoigne sans aucun doute d’une prédisposition à faire passer l’honneur d’Hashem avant son confort et son plaisir personnel, bien plus remarquable que de léguer une part respectable de ses biens !

Quant au dernier don des cèdres, la Torah les évoque sans aucun qualificatif, et semble donc les classer parmi les Lev Nodev. Le Midrash raconte que ces cèdres avaient été plantés en Egypte quelques 210 ans plus tôt par Yaacov, qui vit par prophétie que ses enfants construiraient le Mishkan, en plein désert. Aussi, lorsque Moshé prescrivit la construction du Mishkan, les propriétaires de ces bois réalisèrent que, du ciel, on ne leur avait fait emporter ces cèdres que pour construire le Mishkan, et les offrirent de ce fait de tout cœur, naturellement, telle une personne qui restitue une trouvaille à son propriétaire !

Notre devoir : désirer nous élever !
La construction du Mishkan nécessitait des compétences artisanales très aiguisées. Toutes sortes de joaillers étaient nécessaires pour tailler et polir les pierres précieuses du Hoshen, des orfèvres pour sculpter les chérubins, pour battre et forger les nombreux ustensiles en or et en argent. La confection des habits du Cohen Gadol aussi ne requérait pas moins de qualifications, du filage de l’or à tisser avec la laine d’azur et de pourpre, jusqu’au montage parfait de tous les vêtements. Les différents tissus utilisés étaient d’une splendeur rare, tantôt tricotés tantôt tissés, selon des procédés particuliers. Sans oublier d’évoquer la construction du Mishkan lui-même, le taillage millimétré des panneaux de bois qui s’emboîtaient ingénieusement, leurs supports en argent, les baguettes qui les traversaient dans leur épaisseur.
Or, le peuple n’avait évidement reçu aucune formation à tous ces métiers qui relèvent de l’art. Les Bnei Israël étaient un an plus tôt de simples maçons, manutentionnaires, puiseurs d’eau etc. Comment acquirent-ils alors les aptitudes pour construire ce Mishkan ?
Le verset de Ki Tissa [31:6] donne explicitement la réponse. Après avoir désigné Betsalel et Aholiav responsables du projet, Hashem dit à Moshé : וּבְלֵב כָּל חֲכַם לֵב נָתַתִּי חָכְמָה וְעָשׂוּ אֵת כָּל אֲשֶׁר צִוִּיתִךָ – Et les cœurs sages, Je les ai doués d’habilité, afin qu’ils fabriquent tout ce que je t’ai ordonné. Hashem a donné la sagesse de façon innée aux ouvriers !

Reste à définir à présent selon quel critère Hashem a-t-il décidé d’offrir cette formation expresse à telle personne plus qu’une autre. Un verset explicite de notre Parasha [36:2] en dévoile le secret: וַיִּקְרָא מֹשֶׁה אֶל בְּצַלְאֵל וְאֶל אָהֳלִיאָב וְאֶל כָּל אִישׁ חֲכַם לֵב אֲשֶׁר נָתַן ה’ חָכְמָה בְּלִבּוֹ כֹּל אֲשֶׁר נְשָׂאוֹ לִבּוֹ לְקָרְבָה אֶל הַמְּלָאכָה לַעֲשֹׂת אֹתָהּ – Et Moshé appela Betsalel et Aholiav, ainsi que tous les ‘Hakham Lev’, ceux qu’Hashem dota de sagesse, tout celui dont le cœur le porta à s’initier à ces ouvrages artisanaux pour les réaliser. Un Hakham Lev –litt. un cœur sage– est une personne qui devine intuitivement le bon geste à faire, en toute situation. Aussi, le Hafets Haïm enseigne qu’il faut lire ce verset ainsi : Moshé appela tous les Hakham Lev, c’est-à-dire, ceux qu’Hashem dota de sagesse en cadeau ; et par quel mérite Hashem offrit à chacun cette sagesse ? Tout celui dont le cœur le poussa à s’initier à ces travaux… – Soit, Hashem a distribué les rôles en fonction du désir plus ou moins ardent de chacun à prendre part à la construction du Mishkan !

Et le Hafets Haïm d’ajouter qu’Hashem continue à toute époque de distribuer tous les rôles principaux du monde de cette manière. Qu’il s’agisse de financement de projets de Torah, mais aussi –et surtout !– de l’apprentissage de la Torah, Hashem attend notre détermination de les réaliser coûte que coûte, en l’honneur de Son nom, pour nous donner ensuite les moyens de les concrétiser ! Comme nous le lisons dans la prière du jeudi matin [Tehilim 81] : שְׁמַע עַמִּי וְאָעִידָה בָּךְ יִשְׂרָאֵל אִם תִּשְׁמַע לִי… אָנֹכִי ה’ אֱ-לֹקֶיךָ הַמַּעַלְךָ מֵאֶרֶץ מִצְרָיִם הַרְחֶב פִּיךָ וַאֲמַלְאֵהוּ – Ecoute mon peuple, Je veux t’aviser : ‘Peuple d’Israël ! Si seulement tu acceptais de M’écouter ! […] Je suis Hashem ton D-ieu, qui t’ai fait monter d’Egypte ! Daigne uniquement ouvrir ta bouche, et déjà, Je la remplirai ! Qui mieux que Rabbi Akiva n’incarne cette promesse ! Ce maillon clé de la transmission de la Torah orale, n’était qu’un simple berger à 40 ans, quand il décida d’aller apprendre toute la Torah, en commençant par l’alphabet, en subissant de durs affronts en s’asseyant avec des petits enfants de 5 ans pour entamer l’apprentissage du Houmash ! Hashem a admiré sa soif et son désir intense, et l’a abreuvé abondamment durant 40 années pour devenir, à l’âge de 80 ans, le plus grand Tana –un Maître de la Mishna– de son époque, et peut être même de toutes les générations !
A nous donc d’accepter d’ouvrir notre bouche, de nous jeter à l’eau avec détermination, en mettant de côté tous nos prétextes de fatigue, bobos, déceptions et pied de travers, pour nous rendre avec ferveur au Beit haMidrash, et Hashem ne tardera pas à voir ‘notre cœur qui nous pousse à le servir’ pour mériter nous aussi qu’Hashem ‘nous remplisse notre bouche’, en ‘emplissant notre cœur de sagesse’!

Rav Harry Dahan, 5Minutes Eternelles