Une langue raffinée

A l’aube des fiançailles du Saint-Béni soit-Il avec le peuple d’Israël et quelques instants avant la-révélation de la Torah au mont Sinaï, D.ieu interpelle son peuple de la manière suivante : « Ainsi, tu t’adresseras à la maison de Yaacov et tu exposeras aux enfants d’Israël : tels sont les mots que tu prononceras aux enfants d’Israël » (Chémot, 19, 3).

Or, Rachi commente ce verset comme suit : « “Ainsi, tu t’adresseras”, de cette manière et dans cet ordre. ‘A la maison de Yaacov’, aux femmes tu t’adresseras dans une langue raffinée. “Et tu exposeras aux enfants d’Israël”, les peines et les détails tu les commenteras aux mâles dans des paroles coriaces comme des nerfs. Tels sont les mots que tu prononceras aux enfants d’Israël : ni plus, ni moins ». Le don de la Torah et toutes les perfections qui y sont attachées – comme il est dit : « Et vous serez pour Moi une assemblée de prêtres et un peuple saint », (ibid.) – concernent donc non seulement tout autant les femmes que les hommes, toutefois ce sont elles qui sont mentionnées les premières. Ainsi que cela est dit explicitement dans le Midrach Raba (Chémot, 28, 2) – à cette précision pourtant que la Torah des femmes se distingue en ce que, comme l’écrit Rachi au nom d’un autre Midrach, « (…) tu t’adresseras à elles dans une langue raffinée », (Mekhilta Chémot, 19, 3)…

Pourtant, cette précision n’a pas pour but de nous enseigner que la révélation de la Torah auprès des femmes constituerait « autre chose »… Puisque, comme l’écrit Rachi, le verset stipule expressément : « De cette manière et dans cet ordre », c’est-à-dire « ni plus, ni moins ». Au contraire, le verset est venu nous faire entendre que ce sont ces mêmes paroles – celles de la révélation sinaïtique – qui seront enseignées aux femmes, mais cette fois « dans une langue raffinée »…

Il convient donc que nous nous attardions quelque peu sur cette distinction afin de comprendre plus en profondeur le sens même de cette expression.


La Torah du coeur…

En dépit de ses nombreuses exigences, la Torah recouvre en fait une signification telle qu’à côté de cette dimension astreignante et laborieuse caractérisant l’étude proprement dite – à savoir cette forme d’autodépassement et de victoire sur soi-même qui sied tant à la gent masculine -, la Torah se manifeste aussi sous une forme plus « douce ». Et à ce titre, elle se laisse comprendre « en douceur », de telle manière qu’elle est susceptible d’accompagner cette manière de vivre propre aux femmes.
En effet, expression du sens de la vie lové dans les coeurs et les mouvements de générosité propres aux qualités féminines, il existe une toute autre manière de révéler les perfections exigées du peuple d’Israël par la Torah. Dans le Talmud (Traité Berakhot, page17/b), on peut lire à ce propos : « La promesse qui fut faite aux femmes est plus grande que celle qui fut faite aux hommes, comme il est dit : «Femmes paisibles, levez-vous, écoutez ma voix ; filles confiantes, soyez attentives à ma parole», (Isaïe, 32, 9) ».
La Torah, en ce sens, ne demanderait rien d’autre aux femmes que d’écouter et d’être attentives au dévoilement de la vérité, dans la mesure où cette attitude serait considérée comme suffisante pour qu’elles trouvent au fond d’elles-mêmes les échelons à gravir afin d’atteindre la perfection. Car ce sont précisément la sérénité et la douceur, ainsi que cette proximité naturelle envers toute chose qui sont exigées de la maison d’Israël.
Ainsi, si les femmes prononcent tous les matins la fameuse bénédiction « Qui m’a faite selon Sa volonté » – et non, comme le disent les hommes, « Qui ne m’a pas fait femme », ce qui signifie en substance : « Je suis faite et prédisposée pour la Volonté de D.ieu, comme il est dit ‘Fais de ta volonté la Sienne’, (Pirké Avot, chapitre 2, Michna 4) » -, c’est bien parce qu’elles sont, par l’effet même de leur nature, en totale harmonie avec D.ieu et que leur accomplissement de la Torah relève de la plus parfaite des sérénités.

Inversement, les hommes ne peuvent atteindre la Torah que grâce à des efforts et une lutte perpétuelle, et ce depuis les origines de la Création. Ne fut-il pas en effet ordonné à Adam et à sa descendance : « Remplis la terre et conquiers-la », (Béréchit, 1, 28) !?
Et nos Sages n’ont-ils pas ajouté que « c’est la nature de l’homme [que] de conquérir, et non celle de la femme », (Traité talmudique Kiddouchine, page 35/a) !?
Tant et si bien que de la même manière que l’être humain assure sa maîtrise de l’univers par l’effort et la conquête, il est aussi obligé de faire l’acquisition de son monde matériel par le biais de ces « paroles coriaces comme des nerfs » dont parle Rachi au sujet du verset précité, c’est-à-dire par des paroles dont le sens ne se révèlent  à eux qu’au prix d’un effort et d’une lutte !

Nous retrouvons cette même idée à propos de la crainte du ciel (yirat chamaïm), fondement de toutes les perfections. En effet, alors qu’il fut dit à l’homme « Si tu la désires comme l’argent et que tu la recherches comme un trésor caché, alors tu comprendras la crainte de D.ieu et tu découvriras l’esprit de la divinité » (Michlé, 2, 4), celle-ci est en revanche pour ainsi dire « offerte » à la femme comme toutes les autres dimensions naturelles la définissant, ainsi qu’il est dit : « L’épouse qui craint D.ieu est digne de louanges », (Proverbes, fin). Et pour cause ! Car on n’attend pas d’elle cet effort durable exigé de l’homme afin qu’il s’extraie des commodités et exigences matérielles de l’existence afin de s’engager dans l’étude de la Torah et l’accomplissement des mitsvot pour parfaire sa relation au monde et à D.ieu.

L’intimité du foyer

Or cette ouverture « naturelle » à l’accomplissement de la Torah trouve chez la femme sa racine au coeur même de son foyer ! Et ce, dans la mesure où les femmes expriment leur rapport à la Torah ainsi que leur crainte du ciel en vertu précisément de leur faculté à installer un climat de sérénité et de douceur à l’intérieur de leur maisonnée.

C’est en effet sous cet aspect, conformément à ce qu’en dit le Midrach cité plus haut, que la révélation de la Torah leur fut donnée, à savoir « dans une langue raffinée »… Ainsi, les échelons à gravir pour atteindre la perfection que plaça la Torah face au peuple d’Israël furent-ils donnés à la « Bat Israël » sous une forme adéquate, épousant le cadre naturel de son existence. Inversement, l’homme doit nécessairement se hisser sur cette échelle pour atteindre le ciel, tandis que pour la femme, « la chose est très proche » (Devarim, 30, 14)…

C’est pourquoi le Psalmiste déclare : « Toute sa dignité, c’est d’être la fille d’un roi dans son for intérieur », (Téhilim, 45, 14). Car la perfection de la femme juive, sa dignité et son accomplissement sont concentrés à l’intérieur d’un cadre très précis : celui de la demeure intérieure.

A telle enseigne que l’on trouve écrit par ailleurs que la grandeur de la « femme pleine de vertus », c’est d’être « la femme vertueuse, couronne de son mari », (Proverbes, 12, 4), puisque « c’est en elle que le coeur de son mari place sa confiance », (ibid., 31, 11). C’est d’une telle épouse qu’il fut aussi dit : « Comme elle est agréable la douce épouse, au point d’être comparée à la Torah », (Traité talmudique Yévamot, page 63/b).

A l’opposé, s’il arrive au Talmud de qualifier l’épouse indigne de « femme sotte » (sic), c’est dans la mesure où celle-ci, dédaignant son foyer, « s’assoit sur le seuil de la maison », (Proverbes, 9, 13 et 14), c’est-à-dire le visage tourné vers l’extérieur. Si bien que les Sages ont pu ajouter : « Comme elle est repoussante la mauvaise épouse, au point d’être comparée à l’enfer », (Traité talmudique Yévamot, ibid.)…

La valeur d’une maison repose ainsi sur le sens même de l’oeuvre féminine au quotidien et de son accomplissement. Chaque femme doit donc savoir qu’elle a entre les mains le couronnement de son foyer, en ce sens qu’elle doit tout faire pour transformer sa demeure en une maison remplie de Torah et de mitsvot.

Dans le « Séfer Aboudraham » (3e partie), on peut même lire que si les femmes ont été dispensées d’une partie considérable de mitsvot, c’est précisément parce que la plupart de ces dernières dépassent le cadre limité de la seule maisonnée. Dans la mesure donc où l’essentiel de l’activité féminine se trouve être dans l’édification d’un foyer susceptible d’oeuvrer à la bénédiction et à l’élévation d’une maison, ainsi qu’à l’épanouissement d’un mari et à la réussite des enfants, la Torah aurait donc en quelque sorte « libéré » les femmes du joug des mitsvot afin de les disposer à la paix conjugale, c’est-àdire à l’entière et pleine édification de leur foyer…

Yehuda Rück à partir du livre « Michkan Israel »
Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française.
Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il