En introduction aux préparatifs de Pessah, nous citerons les paroles édifiantes de Rav Yerouham Leivovitz  machguiah de la Yechiva de Mir , qui a écrit dans Leil hithqaddech hag haPessah ce que nous paraphrasons comme suit :

Rien dans la Tora, font observer les Richonim (voir Ramban [Nahmanide , 1194-1276] sur Chemoth 13, 16) ne ressemble même de loin à ce qu’elle prescrit concernant le hamets pendant Pessah, à propos duquel elle se montre d’une exceptionnelle sévérité. Le Juif qui en consomme au cours de cette fête est passible de kareth (« retranchement » de l’âme). Il est puni même pour en avoir simplement possédé ! Aucun hamets ne doit être « vu » ni « trouvé », dans quelque lieu appartenant à un Juif ? pas la moindre trace !

Cette intransigeance semble être due essentiellement à ce que représente cette substance. Disons, sans trop entrer dans les détails ?Les enfants d’Israël savent que le hamets représente la racine et le début de toutes les choses « négatives » ici-bas, celles qui génèrent des détresses et des problèmes suscités depuis « en haut ». Voilà pourquoi les lois de la Tora s’appliquant au hamets sont exceptionnellement strictes. Nous devons nous attacher à en découvrir le moindre vestige et à le retirer de nos possessions. Finalement, nous devons le détruire en le brûlant jusqu’à ce qu’il soit devenu de la cendre, sans parler du fait que nous n’avons pas le droit de le manger. Si nous pensons à ce que représente le hamets, toutes ces lois deviennent parfaitement claires.

« On vérifie la présence de hamets à la lumière d’une bougie », enseigne la Michna (Pessahim 7b). Cherchant un verset sur lequel se fonde cette loi, la Guemara cite l’affirmation de Rav Hisda, suivant laquelle cette référence se trouve dans le fait que la Tora relie la « découverte » à la « recherche » (dans l’épisode de la coupe d’argent trouvée chez Binyamin ? Beréchith 43, 12), et que le prophète rattache la « recherche » aux « bougies » (Tsefania 1, 12). En conclusion, Rav Hisda fait appel à un verset selon lequel « l’âme d’un homme est une « bougie » de Hachem, elle sonde toutes les profondeurs du coeur » (Michlei 20, 27).

Pour ce Maître, la vérification de la présence de hamets est comparable à la manière dont l’âme humaine sonde et fouille à travers le corps, en quête de quelque chose. Et qu’y cherche-t-elle, si ce ne sont les influences négatives, avec l’intention de l’en débarrasser ?

« On n’utilise pas la lumière du soleil pour la vérification du hamets, enseignent nos Sages, mais on procède à la lueur d’une bougie , qui est très efficace pour la recherche. » On effectue cette recherche uniquement la nuit, quand ce qui nous environne est couvert par l’obscurité et que l’agitation de la journée a pris fin. Dans la sérénité des ombres, la simple lueur procurée par une bougie solitaire projettera une ambiance brillante et révélatrice sur une zone limitée, l’illuminant nettement, et révélant les moindres particules de hamets qui s’y trouvent. Dans ce type d’obscurité, la bougie à la main, on voit plus que pendant la journée. La recherche du hamets à laquelle on procède chez soi se compare à une exploration personnelle dans les moindres recoins de son coeur.

Représentons-nous les détails de cette traque : Le maître de maison va de pièce en pièce, vérifiant chaque recoin et chaque cavité, guettant la moindre miette de hamets ! Il descend dans les caves sombres, dans les moindres fentes et autres anfractuosités. Sa bougie à la main, il ne met pas fin à ses investigations sans s’être assuré que l’« indésirable » ne subsiste plus dans ses dépendances. Il doit rendre l’ensemble de sa propriété pure de tout hamets, jusqu’à la plus minuscule parcelle. Il n’existe aucune autre mitswa comme celle-là !

L’âme, nous apprend Rav Hisda, ressemble à une petite bougie, enfouie dans l’immense obscurité de son enveloppe corporelle. Quel est le rôle de cette bougie . Elle doit fouiller l’obscurité de la personne physique, dans chacun de ses organes et de ses recoins, à la recherche du hamets, c’est-à-dire de ses traits de caractère et éléments négatifs. Qu’est-ce qui dévoile la corruption devant être extirpée ? « La « bougie » de Hachem » ? l’âme humaine ! Seule cette minuscule « lampe » divine peut mettre à nu nos faiblesses et nos imperfections. Notre âme est la « bougie » qui doit diriger cette prospection, et chaque élément négatif qu’elle rencontre doit être rejeté au loin pour toujours !

Avant Pessah, en tenant notre bougie, nous recherchons « le levain qui fait monter la pâte ». Le penchant au mal est décrit par nos Sages dans les mêmes termes. De même que nous devons éliminer le premier, de même nous incombe-t-il de trouver et d’extirper le second. En bref, le hamets symbolise l’inclination au mal dans chaque être humain.

Voilà pourquoi la Tora est si rigoureuse en matière de hamets. On ne peut en tolérer qui ait été « trouvé » ou « vu » où que ce soit ? pas le plus petit morceau ! L’investigation doit être méticuleuse, jusque dans le moindre recoin de notre propriété, jusqu’à ce que n’y subsiste aucun « levain qui fait monter la pâte » !

Considérons un autre mode de préparation de Pessah. La procédure suivie pour la fabrication des matsoth est caractérisée par une vigilance et un soin extrêmes à ce qu’aucune d’entre elles ne contienne la moindre trace de hamets. Il est très difficile de parer à ce risque. Nous savons que dès avant la cuisson, aussitôt que de l’eau est entrée en contact avec la farine, le hamets apparaîtra naturellement, rapidement, en quelques minutes, à moins que la pâte ne soit travaillée et pétrie sans interruption, et cuite dans le délai imparti. Qui peut être sûr que chaque particule de la pâte a été cuite assez tôt et complètement, avant que se soit formé du hamets .Un Juif animé de la crainte de Ciel est constamment sur le qui-vive : Peut-être ses matsoth ne seront-elles pas cachères, et peut-être ne se sera-t-il pas acquitté de l’obligation stipulée par la Tora d’en manger un kazayith la nuit du Sédèr ! En outre, si ses matsoth ne répondent pas strictement aux exigences de la Loi, il sera dans l’obligation de se nourrir de fruits et de légumes toute la semaine de Pessah ! Il est en alerte, tourmenté par la nécessité de se libérer de tout hamets, laquelle l’empêche de se détendre !

On raconte qu’un Juif craignant Hachem était à ce point angoissé qu’il ne pouvait pas assister à la cuisson de ses matsoth. On ne prend jamais assez de précautions ! Le processus entier est surveillé jusqu’au moindre détail et soigneusement chronométré. En vérité, il échappe aux capacités humaines de pouvoir s’affranchir complètement du hamets. Mais on attend de nous que nous fassions pour le mieux, suivant l’adage de nos Maîtres : « Hachem n’a pas donné Sa Tora aux anges ! »

Le processus de cuisson de la matsa véhicule encore un autre message. Un des plus célèbres ouvrages de Moussar est le Messilath Yecharim du Ramhal (Rav Moché Hayim Luzzatto [1707-1746]). Ce chef-d’oeuvre met au point une « recette » pour la croissance spirituelle, Aucun hamets ne doit être présent ! Il faut se vérifier et se re-vérifier sans cesse, scruter attentivement chacun de ses faits et gestes, chacune de ses paroles, là où aurait pu se glisser une tache d’impureté, une petite victoire de son penchant au mal ! La vigilance doit être constante. Nous devons être prudents même pour les plus petits détails.

La deuxième démarche sur la route « vers le haut » passe par l’exécution de toutes les mitswoth avec promptitude et empressement, car il ne suffit pas de se détourner du mal : On doit aussi faire du bien au sens positif. De quelle manière devons-nous commencer ? En suivant l’enseignement de nos Sages : « Quand une mitswa vient à portée de ta main, ne la laisse pas devenir hamets ! » Soyons rapides ! Le temps est essentiel ! Si on laisse les choses traîner parce que le penchant au mal inocule la paresse, on risque fort de ne jamais plus pouvoir accomplir la mitswa, toutes sortes d’obstacles pouvant ensuite se dresser !

Les mitswoth sont des occasions précieuses pour notre développement spirituel. Le penchant au mal cherche à empêcher une telle croissance, et ce à tout prix. Il fera n’importe quoi pour retarder l’exécution d’un commandement. Ainsi, selon les paroles de nos Sages : « rien n’est plus dangereux que ce qu’elle [l’inclination au mal] propose ».

En résumé, notre tâche essentielle dans la vie est de s’observer soigneusement et de prendre des précautions calculées pour que les influences néfastes de ce qui est « en bas » n’occupent pas dans nos esprits, nos coeurs et nos actes la plus petite place. Si nous sommes paresseux, nous glisserons. Si le mal parvient à nous surprendre et gagne un point d’appui, nous devons immédiatement découvrir ce « hamets » et l’enlever complètement ! Il faut y travailler vite, sans retard ni interruption ! Soyons alertes et agiles ! Développons de l’enthousiasme pour les mitswoth et précipitons-nous vers elles dès que l’occasion s’en présente !

C’est cette célérité dans nos réactions que vient nous rappeler celle avec laquelle nous cuisons les matsoth à l’approche de Pessah.

Si l’on demande à celui qui s’apprête à les confectionner : « Quelle est votre obligation ? », il répondra : « Faire attention et s’appliquer à agir avec précision et rapidité ! »

Pour conclure, si l’on considère les multiples mitswoth liées à la préparation de Pessah, on se rend compte que l’esprit humain ne parviendra jamais à percer l’immense pouvoir qu’elles détiennent pour nous purifier et nous sanctifier. Celui qui les exécute de la façon minutieuse prescrite par nos Sages, avant même que commence la fête, atteindra un niveau spirituel bien supérieur ? quantitativement et qualitativement  à celui de tout autre individu ! Rien n’égale le degré spirituel qu’un Juif atteint érèv Pessah !

Rav Yerouham conclut ainsi :

« Si nous n’avions été envoyés sur terre que pour exécuter correctement les mitswoth liées à la veille de Pessah, cela nous aurait suffi ! »

Rav Dov Roth-Lumbroso