Pourquoi deux mois d’adar ?

 

Cette année est dite « embolismique », un « deuxième adar » s’y trouvant intercalé. Il m’a semblé important de traiter des raisons et des origines de cet ajout. Il y a quelques années (en 5771, qui était également « embolismique ») j’avais entretenu plusieurs échanges épistolaires et téléphoniques à ce sujet avec notre regretté Jacques Kohn zal, dont je voudrais honorer aujourd’hui la mémoire en faisant paraître l’un de ses développements dont il m’avait alors gratifié :

 

Pour quelle raison et selon quel rythme ce mois supplémentaire – appelé we-adar, ou deuxième adar – est-il intercalé ?

La Tora indique à plusieurs reprises (notamment Chemoth 13, 4) que la fête de Pessa‘h doit être célébrée au printemps.

Or, si notre calendrier était uniquement lunaire, comme l’est par exemple le calendrier musulman, son décalage par rapport au calendrier solaire aurait pour effet de nous faire célébrer cette fête, selon les années, pendant l’une ou l’autre des trois autres saisons.

Depuis la destruction du deuxième Temple, la fixation des mois – et donc des années – n’appartient plus au Sanhédrin, de sorte que les Sages ont dû élaborer un système calendaire applicable en tous lieux de la diaspora en même temps que conforme aux exigences de la Halakha.

Des opinions divergentes se sont opposées au troisième siècle de l’ère commune entre les Maîtres de la Guemara Chemouel et Rav Adda.

Selon le premier, la durée de l’année solaire doit être fixée à 365 jours et 6 heures comme le voulait le « calendrier julien » alors en usage.

Pour le second, cette durée était de 365 jours 5 heures 55 minutes et 25,4386 secondes, durée fondée sur les observations de l’astronome, géographe et mathématicien grec Hipparque, du deuxième siècle avant l’ère commune, observations qui seront reprises au seizième siècle par le « calendrier grégorien ».

Lorsque Hillel II introduisit, en l’an 358 de l’ère commune, le calendrier qui est devenu le nôtre, il adopta le système proposé par Rav Adda.

Encore lui fallait-il ancrer ce calendrier dans un système de calcul qui pût être adopté, automatiquement et universellement, par toutes les communautés juives du monde.

Il utilisa pour cela le cycle dit « de Méton », du nom d’un astronome grec qui avait remarqué au cinquième siècle avant l’ère commune que la durée de 235 mois lunaires est presque égale à celle de 19 années solaires.

C’est ce cycle de 19 ans qui scande aujourd’hui notre calendrier, avec douze années de 12 mois lunaires et sept de 13 mois (les troisième, sixième, huitième, onzième, quatorzième, dix-septième et dix-neuvième).

Si l’on compare la durée des années selon les différents systèmes que nous avons examinés, on aboutit aux résultats suivants :

Année julienne : 365 jours, 6 heures.

Année grégorienne : 365 jours, 5 heures, 49 minutes, 12 secondes

Année hébraïque : 365 jours, 5 heures, 55 minutes, 25/57 secondes

Dans la mesure où il est aujourd’hui scientifiquement acquis que « la durée de l’année solaire est de 365 jours, 5 heures, 48 minutes et 46 secondes, soit environ 6 minutes 2/3 de moins que les 365 jours, 5 heures, 55 minutes et 25/57 secondes de l’année juive », on peut considérer que le Messie, qui sera attentif à ce que Pessa‘h ne finisse pas par tomber en été, devra se hâter de venir !

Et l’on ne peut qu’admirer ces rabbins qui, plus d’un millénaire avant la réforme grégorienne, ont réalisé un système calendaire sur des bases très proches de celles que nous propose la science moderne.

Rav Dov Roth-Lumbroso.