En effet, aucun moment de l’année juive ne présente une richesse pédagogique comparable à celle de Pessah, avec son Séder, son interdiction du Hametz, sa Matza, son Maror et son délicieux Harosseth ; sans parler du Afikomen. Tout parle à l’enfant.

Mais cela ne nous dispense pas de réfléchir à notre Pessah d’adultes. Les parents prennent assez facilement conscience à Pessah, et surtout au moment du Séder, de l’importance du message qu’ils doivent transmettre à leurs enfants, certes. Mais Pessah parle aux parents tout autant qu’aux enfants. D’abord, parce que sur le plan personnel, les parents sont investis de l’obligation de vivre au rythme de toutes les mitsvoth, pas moins celles de Pessah que les autres. Cela concerne les mitsvoth gestuelles, mais tout autant les sentiments et les convictions qui doivent les accompagner et qui leur donnent pleinement leur valeur. Ensuite, il y va de l’authenticité de la position parentale. Car si le message de Pessah n’enrichit pas les parents, et n’éclaire pas leur for intérieur, alors le message des parents aux enfants sonne complètement faux. La transmission est gâchée, d’autant plus que les enfants sont parfaitement experts dans l’art d’évaluer la sincérité des adultes, en particulier celle de leurs parents.
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Le Zohar Hakadoch explique que la Matza est un pain qui inspire la foi, c’est l’aliment qui nourrit la Emouna. Les aliments que nous consommons tout au long de l’année ont beau être matériels ; ils donnent des forces, non seulement à notre corps, mais aussi à notre intelligence, ainsi qu’à toutes les sphères de notre âme.

Ceci s’explique par le fait de l’élément divin qui est présent dans tout aliment. Car, de manière générale, toute matière renferme une étincelle divine, qui en est la spiritualité. Mieux, la matière puise son existence dans cette étincelle divine qu’elle contient. En fait, la partie matérielle de l’aliment donne ses forces à notre corps, qui est la partie matérielle de notre personne. En même temps, la spiritualité de l’aliment donne des forces à notre âme, qui est notre spiritualité.

Le petit enfant ne commence à comprendre le monde qui l’environne qu’une fois qu’il a mangé du pain. La guemara Berahoth (40/a) dit qu’un enfant ne commence à dire « papa » et « maman » qu’une fois qu’il est nourri de blé, de pain. Ce qui montre que le pain commence un premier développement du savoir. Evidemment, à ce stade, l’enfant n’est pas encore capable d’expliquer ce que représentent pour lui les concepts de « papa » et de « maman ». Pourtant, savoir dire « papa » et « maman » constitue déjà un savoir, que l’enfant ne possédait pas avant d’avoir mangé du pain.

De même, lorsque les Enfants d’Israël sont sortis d’Egypte, ils ne comprenaient encore rien à la grandeur de Hachem. Ils étaient comme prisonniers et ligotés dans l’impureté du monde de la matière, seule expérience de leur vécu en Egypte ; ils baignaient dans quarante neuf degrés d’impureté, ce que l’on peut imaginer de pire au monde.

Puis, dans le cadre de leur Sortie d’Egypte, ils ont vécu l’expérience de la matza. Comme le pain ordinaire apporte au petit enfant un premier savoir, ainsi la matza a apporté à tout Israël une première notion de la grandeur de Hachem. Car la matza leur a permis de découvrir en eux-mêmes la nechama ; grâce à cela, ils pouvaient accéder à une intuition de la grandeur de Hachem. Même si à ce stade, ils n’étaient pas encore vraiment capables d’expliquer ce qu’ils ressentaient.

On peut distinguer trois niveaux : celui de l’enfant qui n’a pas encore goûté au pain ; puis, celui de l’enfant qui a goûté au pain ; enfin celui qui a goûté à la matza.

Il faut comprendre que la particularité du pain hametz, est qu’elle doit une importante partie de son volume au fait qu’elle a levé. Une partie du pain, certes, résulte de ce que le boulanger ? ou la maîtresse de maison ? a pétri et travaillé la pâte. Mais la partie qui a levé, n’est pas due à son travail. Ce qui a fait enfler spontanément la pâte levée, symbolise l’orgueil qui germe en nous, sans effort, et qui suscite en nous la connaissance de notre corps, ainsi que de ce qui le concerne dans le monde de la matière ; ce dont le corps est très proche, de par sa nature. A ce stade, nous sommes aveugles à l’égard de toute spiritualité, nous sommes inconscients de la présence en nous de la nechama, et nous ne connaissons presque rien de Hachem. Par exemple, lorsque notre horizon se limite aux problèmes d’argent, d’emploi, de petits bobos, etc?.C’est là qu’en étaient les Enfants d’Israël qui sortaient d’Egypte, du moins aussi longtemps qu’ils n’avaient pas encore mangé de matza.

Inversement, la matza résulte uniquement du travail humain. Rien ne s’y est ajouté spontanément, sans travail. Ainsi, sortis d’Egypte, les Enfants d’Israël avaient acquis l’expérience de la matza qu’ils avaient consommée. Contrairement au hametz, enflé spontanément, qui génère l’orgueil, la matza qui ne résulte que du travail, inspire la modestie, et ainsi, ouvre la porte vers la connaissance de Hachem, vers la spiritualité. Après avoir mangé de la matza, ils ont eu une perception de leur nechama, de leur spiritualité ; ils commencèrent à connaître la grandeur de Hachem. Ils pouvaient valablement se mettre en route en direction du Mont Sinai pour y recevoir la Tora.

En ce qui nous concerne, il faut bien comprendre le danger que présentent nos constantes préoccupations d’ordre matériel : Nous laissent-elles la force, le temps et l’intérêt pour une contemplation de la grandeur de Hachem ? Heureusement, Hachem a installé dans la matza la substance spirituelle, grâce à laquelle nous pouvons accéder à la connaissance de Sa grandeur. Avec la matza, Pessah nous apporte la mitzva de nous sentir comme si nous sortions d’Egypte nous-mêmes. Avec toutes les démarches que notre pensée doit entreprendre. Et alors, véritablement, la matza est notre véritable pain de la Emouna, la nourriture de notre foi.

A nous de réfléchir vers Pessah et à Pessah à ces enseignements. La connaissance du monde de la matière ne peut pas nous combler. Stimulons notre écoute de ce que la Matza nous apprend. Parvenons alors beèzrath Hachem, à un Pessah d’un niveau spirituel rénové. De là, allons vers un style de vie au quotidien, surélevé lui aussi, nous rendant plus proches de Hachem.

Ayant bien intériorisé ce message de la Matza, nous inspirerons à nos enfants les enseignements de Pessah avec plus d’ardeur et de sincérité. Alors, nous aurons véritablement un

PESSAH CACHERE VESSAMEYAH !

Par Rav Hayim Yacov Schlammé