Rav Yossef de Sloutsk rappelle l’enseignement de la Guemara (Qiddouchin 40b) : « Heureux est celui qui accomplit ne serait-ce qu’une seule mitswa, car il fait pencher la balance de la justice non seulement en sa faveur, mais pour le bien du monde en général ! »

Nous pouvons en déduire que le monde est jugé selon les actions accomplies par la majorité des hommes. S’ils se comportent dûment, il sera sauvé malgré l’inconduite des pécheurs. Chaque individu peut modifier le résultat, car il suffit d’une seule mitswa pour infléchir les plateaux de la balance. Telle est l’idée soulignée par notre verset, qui avertit l’homme – au singulier – que ses actions exercent une influence sur la société en général – celle décrite au pluriel. Quand il accomplit des mitswoth, l’individu suscite une bénédiction divine, tandis que lorsqu’il pèche, il attire des malédictions sur le monde entier.
Objet Inconnu

Ce verset nous apprend, explique Rav Moché Feinstein, que l’octroi de récompenses dans le monde matériel dépend de l’état spirituel de la génération. Il arrive que quelqu’un mérite une rétribution mais qu’il ne la reçoive pas ici-bas à cause de l’indignité de ses contemporains.
Voilà pourquoi la Tora dit à l’homme : « regarde » – au singulier – que les bénédictions et malédictions attribuées par Hachem sont « devant vous » – au pluriel ; elles dépendent de la situation de la société dans sa globalité.

La bénédiction et la malédiction. (11, 26)

Moché ne dit pas ici qu’il place devant le peuple « le bien et le mal », fait remarquer le Gaon de Vilna, car il arrive que les méchants soient comblés tandis que les justes souffrent. Hachem choisit parfois de récompenser les impies dans ce monde-ci pour les quelques bonnes actions qu’ils ont réalisées, tandis qu’Il fait souffrir les justes pour leurs rares péchés afin de ne pas amoindrir leur récompense dans le Monde à venir.

L’homme qui s’est rendu digne de la bénédiction divine peut être certain qu’elle arrivera, même si ce n’est pas immédiatement. L’infortune présente n’est que transitoire, et la récompense qu’il mérite sera acquise quoi qu’il arrive. C’est ainsi que la berakha de Ya‘aqov assurant son petit-fils Efrayim qu’il « se multiplierait abondamment » (Beréchith 48, 16) ne s’est pas aussitôt réalisée.
Telle est la raison pour laquelle notre verset parle de « bénédiction et malédiction », et non de « bien et mal ».

Regarde, Je nothén (littéralement : « donne ») aujourd’hui devant vous la bénédiction et la malédiction. (11, 26)

La Tora s’exprime ici au présent – nothén –, fait remarquer le Gaon de Vilna, et non au passé – nathati. Gardons-nous de penser que le choix de la « bonne voie » nous « fige » dans cette attitude positive, ni que le choix du mal ne laisse aucune possibilité de changement. La Tora nous apprend ici que la possibilité d’opter pour le bien ou pour le mal se maintient en permanence devant nous, jusqu’à notre dernier souffle. Elle « t’est » donnée constamment ; elle ne t’a pas « été donnée ».
Il ne faut en aucun cas se dire : « Jamais je n’arriverai à réparer tout le mal que j’ai perpétré ! », ou : « Je n’obtiendrai jamais le pardon pour les innombrables péchés que j’ai commis ! » Le choix de faire le bien nous est donné présentement, « aujourd’hui », à tout moment de notre vie. Celui qui se repent est considéré comme un nouveau-né, pourvu qu’il soit sincère dans sa contrition, et qu’il se dirige réellement dans la bonne voie.
Ne doutons jamais non plus de notre faculté de résister aux séductions de notre penchant au mal. Soyons au contraire bien conscient du fait que notre aptitude à accomplir le bien nous est procurée par Hachem, qui sera avec nous, comme Il nous le dit Lui-même – « Je donne aujourd’hui… » N’ayons donc aucune crainte ! Nos Sages nous enseignent en effet (Souka 52a) que le mauvais penchant nous domine constamment et que si Hachem ne nous assistait pas, nous serions vaincus !
Ne nous laissons pas davantage aller au désespoir en pensant qu’Il accordera Ses bénédictions uniquement s’il y a de nombreux hommes vertueux ici-bas, et donc qu’il ne sert à rien d’être le seul tsaddiq dans un environnement dépravé… La Tora emploie ici le singulier (« regarde »), pour bien montrer que même l’individu peut être le véhicule par lequel la bénédiction divine se répand dans le monde entier.

La bénédiction, si vous écoutez… (11, 27)

Notre verset, indique le Or ha-‘Hayim, parle de deux bénédictions : celle qui nous est promise si nous « suivons » la voie voulue par Hachem, et celle que nous vaudra « l’écoute » de la Tora. Cette « audition » est en soi une bénédiction, comme le dit le prophète (Yecha’ya 55, 3) : « Ecoutez, et votre âme vivra… » Celui qui, attentif à la Tora, se délecte de sa saveur, se sait aussitôt redevable d’une dette de gratitude envers Celui qui lui en a fait don. Il va sans dire qu’il ne lui viendra même pas à l’idée de réclamer une récompense pour cette loyauté.
Moché nous informe ici que la bénédiction est accordée à celui qui ne fait qu’« écouter » la Tora, indépendamment de celle que lui vaut l’observance pratique des mitswoth. L’âme de celui qui « écoute » la parole de Hachem en est amendée, car la Tora est un élixir de vie.