Pourquoi la Tora détaille-t-elle tant la généalogie de Pin‘has
Selon le Kelé Yaqar, l’Ecriture s’étend sur sa filiation pour montrer que lorsqu’il sévit contre Zimri pour sanctifier le Nom de Hachem qui venait d’être profané, Pin‘has n’a nullement cherché à préserver son honneur.

Il a agi ainsi, bien qu’il fût le fils d’El‘azar, qui avait épousé une fille de Yithro, lequel avait, avant sa conversion, engraissé des veaux pour l’idolâtrie. Il ne s’est pas dérobé à cet acte de vengeance, alors que les moqueurs de l’époque auraient très bien pu lui faire remarquer : « Et ton père, qui donc l’a autorisé à prendre pour femme la fille de Yithro, une Midyanite ?! Ton grand-père maternel n’a-t-il pas engraissé des veaux pour le culte des idoles ?! Tu te permets, toi, de déployer un tel zèle suite à un acte idolâtre ?! »
Et il a ainsi agi bien qu’il fût le petit-fils d’Aharon, le prêtre, alors que ces railleurs auraient pu le ridiculiser : « N’est-ce pas ton grand-père qui a érigé le veau d’or ? Comment oses-tu te mêler de cette affaire ? »
Pin‘has n’a pas cherché à protéger son honneur et n’a pas eu peur. Il s’est levé de sa propre initiative, pour sanctifier le Nom de Hachem qui venait d’être gravement profané.


Pin‘has fils d’El‘azar fils d’Aharon le prêtre. (25, 11)

Rachi explique sur ces éléments généalogiques fournis par le verset : « Comme les tribus se moquaient de lui : “Avez-vous vu ce fils de Pouti, celui dont le grand-père maternel engraissait (pitèm) des veaux pour l’idolâtrie, tuer le prince d’une tribu d’Israël ?!”, le texte retrace sa généalogie jusqu’à Aharon. »
En tuant Zimri, précise le Méchèkh ‘Hokhma, Pin‘has a réalisé deux choses. Tout d’abord, il a affiché sa ferme volonté de défendre jalousement la Gloire de Hachem, et ce au péril de sa vie. Comme l’enseignent nos Maîtres (Sanhédrin 81b) : « Les zélateurs (qanaïm) sont autorisés à faire périr celui qui cohabite avec une Araméenne ».
En deuxième lieu, il a été disposé à renoncer à sa portion dans le monde à Venir. Car même si ses intentions étaient pures, ce qu’il a fait n’était ni plus ni moins qu’un homicide, qu’il a décidé de perpétrer pour sauver l’honneur des autres Juifs et les préserver eux-mêmes de la mort.
Or, le premier trait de caractère révélé par son acte est celui qu’avait manifesté El‘azar. En effet, quand le père de celui-ci – Aharon – décéda, et que disparurent les nuées de gloire – dont le peuple avait joui par son mérite – un grand nombre de nos ancêtres en vinrent à défaillir, suite à quoi les membres de la tribu de Léwi prirent leurs armes et luttèrent contre les pécheurs (cf. Talmud Yerouchalmi, début de Yoma). Or, la Tora atteste (Bamidbar 3, 32) : « Et le prince des princes des Lévites était El‘azar, fils d’Aharon le kohen », signifiant que cette réaction des Lévites leur avait été dictée par El‘azar.
Quant à la deuxième qualité révélée par l’attitude de Pin‘has, elle était apparue chez son grand-père, Aharon. Selon l’enseignement du Midrach (Wayiqra Rabba 10, 3), lorsque les enfants d’Israël s’étaient adressés à lui pour ériger le veau d’or, il s’efforça de les faire patienter encore une journée et de les retarder dans leur terrible projet. « Il vaut mieux, se dit-il, que ce méfait me soit rattaché, et qu’ainsi, ils n’aillent pas à leur perte ! » Pour sauver la communauté d’Israël, Aharon avait été prêt à sacrifier toute sa part dans le Monde futur !
Considérant l’abnégation révélée par Pin‘has, l’Ecriture le rattache à Aharon.
Il est fait allusion à ces deux aspects de son zèle dans le verset lui promettant « l’alliance de prêtrise pour toujours… » parce qu’il a été jaloux pour son Dieu – autrement dit, parce qu’il a tué Zimri pour la seule Gloire de Hachem, et parce qu’il a fait propitiation sur les enfants d’Israël – il a « déposé une plainte devant son Créateur » [ayant invoqué : « Quoi ! à cause de ces deux-là (Zimri et Kozbi), vingt-quatre mille hommes vont mourir ? »], afin que le péché d’Israël soit pardonné.