Dans la Paracha Choftim, la Torah ordonne au roi d’Israël d’écrire un Séfer Torah, en plus du Séfer Torah que chaque membre du peuple juif se doit d’écrire (voir Dévarim 17-18 et 31-19). Essayons donc de comprendre la fonction de ce Séfer Torah pour chaque Juif ainsi que l’utilité de deux Sifré Torah pour le roi.

La Guémara Sanhédrin (page 21/b et le commentaire de Rachi) précise que le Séfer Torah du roi associe trois fonctions : 1) accompagner le souverain à son entrée ; 2) l’accompagner à sa sortie ; 3) faire partie des archives royales. Dans son ouvrage intitulé « La- Torah vélaMoadim », rav Zévin, zatsal, explique que le roi doit toujours s’inspirer de la Torah dans ses « relations extérieures » avec d’autres peuples (ce qui renvoie à l’expression talmudique « à sa sortie »), et aussi envers ses sujets (« à son entrée »), et enfin vis-à-vis de lui-même (ses archives). Vis-à-vis de l’extérieur – par exemple dans les campagnes militaires contre les armées ennemies -, le roi d’Israël devait toujours se placer à la tête des soldats, prenant ainsi sur lui les plus gros risques à l’instar de Moché Rabbénou qui combattit personnellement les rois puissants Si’hon et Og. En temps de paix également, le roi devait mener une politique extérieure efficace, irréprochable et bien adaptée.

Vis-à-vis de son peuple, le roi devait concevoir une politique intérieure parfaite et équilibrée. La justice devait fonctionner de manière impeccable et inspirer la vertu à tous. C’est ainsi que le roi Salomon supplia Hachem de le doter d’une intuition juridique accomplie pour qu’il soit capable de juger ses sujets de manière toujours équitable. En fait, le roi assumait la responsabilité du niveau moral du peuple.

Maîtriser parfaitement son caractère…

Pour ce qui est de ses qualités personnelles, le roi devait parfaitement maîtriser tout son caractère : ses actes devaient être d’une droiture exemplaire ! Après avoir mentionné qu’il faut se prosterner à quatre reprises dans la prière de la Amida, la Guémara Berakhot (page 34/b) précise toutefois que le roi, après s’être incliné une première fois, devait rester ainsi courbé jusqu’à la fin de cette prière des 18 bénédictions. En effet, seul le roi risquait, vu l’importance de sa fonction, de se prendre un peu trop « au sérieux » et d’être victime d’une « folie des grandeurs ». C’est pour cela qu’il restait prosterné devant Hachem jusqu’à la fin de la prière.

Ce qui est édifiant ici, c’est que c’est le même Séfer Torah qui doit inspirer au roi sa politique extérieure et aussi sa politique intérieure. En temps de guerre, comme en temps de paix, avec son peuple comme envers les autres nations, une même loi s’impose. Et chaque jour, le roi doit sentir qu’il est jugé par Hachem. C’est donc la Torah qui doit l’inspirer et le guider continuellement dans tous ses actes et décisions. Son Séfer Torah royal doit le lui rappeler, comme il doit éveiller tout son peuple à cette conviction que c’est par Hachem qu’on est jugé et que c’est selon Sa Torah qu’on est apprécié !

Son autre Séfer Torah reste dans ses archives personnelles. Car ayant une vie intérieure très intime, chaque souverain sait que Hachem le sonde jusqu’au fond de son âme. Alors, discrètement, il cherche son inspiration dans ce Séfer Torah personnel afin d’inspirer ses pensées et ses méditations les plus profondes, ainsi que pour accompagner les prières qui étoffent sa relation toute personnelle avec le Créateur.

Tout Juif est un roi, fils de roi !

Or le Traité talmudique Chabbat (page 67/a) considère d’une certaine manière que chaque Juif est un roi. À l’instar du monarque, il sera donc confronté à ces trois niveaux : il lui faudra savoir trouver dans la Torah le comportement que Hachem attend de nous envers le monde extérieur, ainsi que la manière dont on vit avec ses proches et dans sa propre famille ; enfin, chacun doit gérer aussi sa propre existence intime et profonde. À tous ces niveaux, il faut donc être à l’écoute de la Torah, qui nous accompagne partout et influence jusqu’aux archives de notre coeur.

Ce qui se concrétise au plus haut niveau chez le roi, de par cette obligation d’écrire deux Sifré Torah, doit en fait se traduire chez chacun de nous par la prise de conscience de ce qui doit inspirer nos relations avec le monde extérieur, avec notre famille et aussi avec notre propre vie intérieure. À tous ces niveaux, nous avons ainsi la vocation sublime et peu aisée de ressembler quelque peu à un roi d’Israël. Soyons-en fiers, mais n’en tirons surtout pas d’orgueil !

Enfin, réfléchissons au fait que dans le monde moderne, l’ennui sévit partout. On essaie aujourd’hui un peu partout de se dissoudre et de « s’éclater » – comme le dit cette expression peu élégante mais révélatrice – dans des loisirs en tous genres. Or notre conception de la vie, à la lumière de la Torah, ne saurait laisser pénétrer l’ennui dans aucun recoin de notre être. Constamment accompagnées au plus près par le Séfer Torah, notre vie sociale, notre vie familiale et notre vie personnelle nous comblent largement du bonheur de vivre avec la Torah, proches de Hachem.
Rav Hayim Yaacov Schlammé