Dans la paracha Tétsavé, la Torah décrit la manière dont les huit vêtements du Cohen Gadol devaient être confectionnés.
Huit vêtements aux propriétés remarquables…

Les quatre premiers habits du Cohen Gadol étaient à peu dechoses près similaires à ceux que portaient les Cohanim ordinaires : de longs caleçons, une tunique qui allait jusqu’au sol, une tiare (qui était légèrement différente pour le Cohen Gadol) et une ceinture. Les quatre habits supplémentaires que portait le chef des Cohanim étaient : un manteau, le pectoral sur lequel douze pierres précieuses étaient enchâssées, l’éphod (sorte de tablier ou pagne), muni de bretelles auxquelles était fixé le pectoral, et le tsits, cette plaque d’or portée au front sur laquelle était gravé le Nom divin.

Maïmonide écrit au sujet de ces vêtements : « La 33e mitsva de la Torah enjoint les Cohanim à porter des vêtements particuliers, insignes d’honneur et de majesté, grâce auxquels ils pourront servir dans le Temple. Cette mitsva est ainsi énoncée : ‘Tu confectionneras pour Aharon ton frère des vêtements
sacrés…’ (Chémot 28,2), et : ‘Tu feras approcher ses fils, tu les revêtiras de tuniques…’ (29,8) » (Séfer Hamitsvot assé 33).
Entre ces lignes, il apparaît une approche spécifique à Maïmonide  : selon lui, la mitsva propre à ces habits consistait précisément à « porter ces vêtements » – c’est-à-dire que le port même des habits remplissait une injonction de la Torah. Le Ramban (dans ses annotations ibid.) rapporte à ce sujet d’autres avis, considérant que ces habits n’étaient en fait qu’un élément nécessaire au service sacerdotal,
mais qu’ils ne constituaient pas une mitsva en soi. Autrement dit, l’ordre de la Torah est que les Cohanim réalisent leur service tout en portant ces habits, et leur défend de le réaliser si un seul d’eux venait à manquer. Mais le port même ne constitue pas une mitsva en soi d’après eux.
Il apparaît donc que selon Maïmonide, même en-dehors des heures de service, les Cohanim pouvaient  – et devaient – porter ces habits en tant que mitsva propre, comme l’indique le Midrach qu’il cite : « Ce décret consiste à porter ces habits en permanence. » Et de fait, en approfondissant le sujet, on s’apercevra que le simple fait de porter ces habits avait des propriétés remarquables.

L’habit comme le sacrifice
Le Talmud (Zéva’him 88/b) enseigne
: « Rav Anani bar Sasson dit : pour quelle raison la section relative aux vêtements des Cohanim est-elle juxtaposée à celle des sacrifices [de l’inauguration du Temple, à la fin de notre paracha] ? Pour t’enseigner que de la même manière que les sacrifices expient, les habits des Cohanim ont également un effet expiatoire. »
Et le Talmud de préciser quelles étaient les propriétés expiatoires de chacun des habits. On apprend ainsi que la tunique expiait le meurtre, comme on le voit dans l’épisode où les frères de Yossef, après l’avoir vendu, « trempèrent la robe dans le sang » – que l’on peut également lire : « Ils purifièrent le sang par la robe »… La tiare apportait quant à elle une expiation à l’orgueil, comme le disait ce Sage : « Que vienne un objet porté en haut du corps et qu’il expie les attitudes hautaines ». A ce titre, le port d’un couvre-chef est un signe de soumission à D.ieu, et c’est avec un tel objet que le Cohen
apportait le pardon aux orgueilleux, qui fautaient par manque de crainte du Ciel (Maharcha). Et ainsi de suite, le Talmud établit une relation entre chacun des huit vêtements
du Cohen Gadol et des fautes spécifiques qu’ils venaient expier. Voilà donc qui confirme que le port des habits constituait une mitsva, car ils constituaient une expiation au même titre que les sacrifices.
Responsabilité collective
Toutefois, une réserve doit être formulée à ce sujet : si la tunique expiait le meurtre, cela ne signifie pas que les meurtriers soient blanchis de leur faute par le simple fait que le Cohen revêtait cet habit ! Les Tossefot (ibid.) expliquent que l’expiation qu’offraient ces habits était en fait celle des personnes qui auraient pu éviter la faute et qui ne l’ont pas fait. En effet, le principe veut que « tous les Juifs sont garants les uns des autres » – c’est-à-dire que la faute de l’un concerne directement les autres. A ce titre, quiconque pourrait empêcher un mal d’être commis et ne le fait pas est considéré comme ayant lui-même contribué à cet acte. D’ailleurs, on remarque que le personnage du Cohen Gadol était tout particulièrement lié à cette notion de « responsabilité collective ». Ainsi, le meurtrier ayant tué par mégarde devait s’exiler dans une ville de refuge « jusqu’à la mort du grand Cohen ». Pourquoi leur sort est-il ainsi lié ? Parce que, dit le Talmud, « le Cohen aurait dû prier pour sa génération [pour que ce genre de drame n’arrive pas] et il ne l’a pas fait » (Makot 11/a). Il apparaît donc que la descendance d’Aharon – « qui aimait la paix et la poursuivait » – est destinée au rôle d’unifier les coeurs, en empêchant les fautes des uns d’entacher la relation foncière unissant le peuple juif.

Par Yonathan Bendennnoune