Nos Sages enseignent qu’« Avraham notre ancêtre, de mémoire bénie, fut éprouvé à dix reprises, et il surmonta chacune de ces épreuves » (Pirké Avot 5, 3). Selon le Rambam, la première épreuve est énoncée au tout début de notre paracha : « Pars de ton pays, de ton lieu natal, de la maison paternelle… »

Beaucoup de commentateurs s’interrogent sur la nécessité de ces épreuves : puisque D.ieu sonde les cœurs et connaît nos

sentiments les plus intimes, il était donc manifeste à Ses yeux qu’Avraham Lui était entièrement dévoué. Par conséquent, à quoi bon l’éprouver ainsi ?
Selon rav ‘Haïm de Volozhin (Roua’h ‘Haïm, sur la michna précitée), la réponse réside dans un principe de la nature humaine : D.ieu façonna l’homme de telle manière que toutes les valeurs morales et spirituelles qu’un juste acquiert au cours de son existence, il les transmet à sa descendance. Un peu comme un code génétique façonné par l’homme, chacun porte en substance les qualités développées par ses ancêtres, pour autant que celles-ci soient le fruit d’un travail profond sur la personne.
Assurément, les vertus qui habitaient Avraham étaient évidentes aux yeux du Créateur. Mais tant que le patriarche ne les avait pas concrétisées dans les faits, ces valeurs restaient comme latentes, sous-entendues dans sa personnalité. Pour qu’elles deviennent un héritage perpétuel, il était impératif qu’elles puissent s’exprimer concrètement. C’est pourquoi il fallut que des épreuves surviennent, pour permettre au patriarche de léguer ce patrimoine unique à toute sa postérité.

Voilà qui expliquera un phénomène surprenant, survenu au cours des siècles : des millions de Juifs ont été capables de sacrifier leur vie volontairement, pour la Gloire du Créateur. Comment s’explique une telle abnégation ? Surtout que bon nombre de ces hommes et de ces femmes n’étaient guère versés dans la Torah, et n’avaient probablement pas manifesté une piété exceptionnelle durant leur existence. Qu’est-ce qui les poussa à offrir leur vie pour D.ieu et pour Sa Torah ? L’origine de ce phénomène n’est, selon rav ‘Haïm de Volozhin, nul autre qu’Avraham, le premier patriarche de la nation juive. Lorsqu’il accepta d’être jeté dans une fournaise ardente pour ne pas courber l’échine devant les cultes idolâtres, il imprima profondément dans sa nature – et dans celle de sa postérité – une disposition innée à se sacrifier pour D.ieu.
De la même manière, dans le contexte de notre paracha, nous voyons dans tous les exils, les Juifs ont toujours aspiré ardemment vivre dans la Terre de leurs ancêtres. Qu’est-ce qui les motiva ainsi à renoncer à leurs attaches, pour rejoindre un pays lointain et inconnu ? Là encore, c’est à Avraham que l’on doit cette disposition : en répondant à l’appel divin de quitter son pays natal, il légua à sa descendance une volonté innée de s’attacher à la terre d’Israël.
Lorsqu’on examine attentivement cette michna des Pirké Avot, on peut y découvrir une allusion à cette explication. Il est énoncé dans le passage précédent : « Dix générations séparent Noa’h d’Avraham… » Or à cet endroit, le patriarche est désigné simplement comme « Avraham », contrairement à notre michna – citée en exergue – dans laquelle il apparaît comme « Avraham notre ancêtre ». Pourquoi cette différence ? Parce que comme nous l’avons vu, les dix épreuves relevaient précisément du fait qu’Avraham était l’ancêtre de toute une nation, appelée à hériter de ses qualités exceptionnelles.

Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia