Au début de la paracha, la Torah fait mention de quatre hommes qui prirent tête de la rébellion contre Moché : « Kora’h fils de Itshar (…) forma une faction avec Datan et Aviram, les fils d’Eliav, et On, fils de Pélet, descendants de Réouven » (Bamidbar 16, 1). Or, lorsqu’on survole les versets suivants de la paracha, on note que l’un d’eux disparaît de ce fâcheux complot : « Parle à l’assemblée et dis-lui : ‘Ecartez-vous d’autour de la demeure de Kora’h, de Datan et d’Aviram… » (verset 24). Qu’advint-il de On ben Pélet ?


Selon le Talmud, le sort de cet homme apparaît par allusion dans son propre nom : « ‘On’ – il prit le deuil [aninout] ; ‘fils de Pélet’ – des prodiges [pélaot] se réalisèrent en sa faveur ; ‘fils de Réouven’ – il fut un fils, qui vit [raa] et qui comprit [hévin] » (Sanhédrin 109/b). En clair, après s’être associé à Kora’h, On ben Pélet réalisa son erreur, il se rétracta et prit le deuil en témoignage de repentir.
Mais en vérité, précise encore le Talmud, le mérite de cette brusque volte-face ne revient qu’à son épouse : « On pen Pélet, c’est sa femme qui le sauva ! Elle lui dit : ‘Que gagneras-tu de ce complot ? Si c’est Moché qui l’emporte, tu seras son disciple, et si c’est Kor’ah qui l’emporte, tu le seras tout autant !’ On lui répondit : ‘Mais que puis-je faire ? J’ai pris part à cette conspiration et j’ai juré fidélité à Kora’h.’ Sa femme lui répondit : ‘Je sais que tous ces hommes sont encore des saints, comme il est dit : ‘Dans toute la communauté, tous sont des saints !’ Reste donc à ta place, et moi je te sauverai.’ » Que fit cette femme pieuse ? « Elle fit boire à son mari du vin jusqu’à ce qu’il se soûle, elle le coucha à l’intérieur de la tente, puis elle se tint à la porte d’entrée et défit sa chevelure. En la voyant ainsi, tous ceux qui venaient pour appeler On se détournaient et s’en allaient. Et entretemps, la faction de Kor’ah périt, engloutie sous terre. »
En défaisant sa chevelure, l’épouse d’On empêcha les hommes de Kora’h d’entrer dans la tente, en retournant contre eux leur propre piété. Et si elle enivra son mari, ce fut pour le dispenser de son serment. En effet, même si sa chevelure parvenait à éloigner ses acolytes, il y avait encore à craindre qu’on n’appelle son mari de l’extérieur de la tente. Et dans ce cas, On n’aurait pas pu se désister. C’est donc en le plongeant dans un profond sommeil qu’elle le protégea de son propre serment, en créant une situation de force majeure.
Mais là ne s’arrête pas la sagesse exemplaire de cette femme. Si l’on prête attention aux arguments qu’elle avança pour inciter son mari à rebrousser chemin, on découvre également une grande perspicacité. Car en effet, quel était l’objet principal du soulèvement mené par Kora’h ? Le fait qu’une stricte hiérarchie règne au sein du peuple hébreu, et que Moché se soit soi-disant arrogé le pouvoir et ait légué le sacerdoce à son frère de son propre chef. Autrement dit, Kora’h voulait faire triompher la parité et une égalité totale dans le peuple, sous prétexte que « dans toute la communauté, tous sont des saints ! »
Mais cette femme perspicace comprit que ces fortes paroles n’étaient destinées qu’à amadouer le peuple. Car une fois passée la période de « campagne », les belles promesses ne tarderont pas à s’évaporer comme neige au soleil. Elle expliqua donc à son mari : « Si c’est Moché qui l’emporte, tu seras son disciple, et si c’est Kor’ah qui l’emporte, tu le seras tout autant ! » – ne crois pas que l’on t’accordera le moindre pouvoir si c’est Kora’h qui triomphe, car en fin de compte, lui seul dominera, en dépit de tout ce qu’il peut garantir aujourd’hui…
Par Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia.fr