Le livre des « Juges » partie IX

Nous allons examiner, dans les lignes qui suivent, la vie et les hauts faits de ‘Othniel, le premier des choftim.

‘Othniel

«Israël servit Hachem tous les jours de Josué, et tous les jours des Anciens dont les jours se prolongèrent après Josué…» (Josué24,31). ‘Othniel, nous apprend le Meïri (ad Avoth1,1), a été le premier des «Anciens», c’est-à-dire de ceux qui, jusqu’à ‘Eli le kohen gadol («grand prêtre»), furent les chaînons dans la transmission de la Tora entre Josué et les prophètes.

Demi-frère, par sa mère (Rachi sous Bamidbar 32,12 et sous Juges 1,13), de Caleb, dont il est devenu le gendre, on ignore, indique Rachi sous Souka27b, de quelle tribu il était issu.

Notons cependant, avec le Midrach Chir ha-Chirim Rabba 4, que ‘Othniel portait également le nom de Yehouda, s’identifiant ainsi à celui que désigne le verset: «Hachem dit: Yehouda montera voici, j’ai livré le pays en sa main» (1,2).

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Il porte le titre de «juge» (3,10).

‘Othniel s’est acquis trois titres de gloire:

– Il a, en premier lieu, participé à la conquête d’Erets Yisrael en s’emparant de la ville de Devir, localité située à environ 17 kilomètres au sud de ‘Hévron (Yehouda Elitsour – Séfèr Choftim – Collection Da‘ath miqra). Les circonstances de cette victoire méritent d’être rappelées:

«Caleb dit: A qui frappera Qiryath-Séfèr [ancien nom de Devir] et la prendra, je lui donnerai ma fille ‘Akhsa pour femme. ‘Othniel, fils de Qenaz, frère puîné de Caleb, la prit et [Caleb] lui donna sa fille pour femme» (Josué 15,16 et Juges 1,12).

(On remarquera la parenté du nom «Devir» [de davar: «parole»] et de Qiryath-Séfèr [«ville du “livre”»], comme si le texte avait voulu marquer la symbiose, essentielle selon la tradition juive, de l’oral et de l’écrit.)

Il est rapporté dans le Talmud (ibid.) que ‘Akhsa était d’une grande beauté, et ceux qui la voyaient s’irritaient contre leurs femmes tellement elle était belle (Rachi ad loc.).

Cet épisode n’est pas sans ressemblances avec la promesse que fera plus tard le roi Saül de donner sa fille pour épouse à celui qui vaincrait Goliath. On peut déduire que Devir était probablement une place forte réputée inexpugnable, et qu’il a fallu une grande dose de courage à celui qui s’est lancé à son assaut.

– Mais c’est surtout contre Kouchan-Richa’thayim, roi d’Aram-Naharayim, que ‘Othniel s’est distingué militairement. A noter que ce monarque, selon une tradition talmudique (Sanhédrin105a), s’identifie tout à la fois à Bil‘am et à Lavan, d’où son nom Richa’thayim («deux méchancetés»).

C’est au cours des huit années de servitude (3,8) à Kouchan-Richa’thayim que se situent l’épisode de l’idole de Mikha (Sédèr ‘Olam12, Rachi sous Osée10,9) et celui de la «concubine de Guiv‘a» (Tanna de-bei Eliyahou Rabba12).

Après sa victoire, ‘Othniel régna sur Israël pendant une période de paix de quarante ans (3,11).

– D’autre part, nous apprend la Guemara (Temoura16a), furent oubliés pendant les jours de deuil de Moïse mille sept cents raisonnements logiques (qalin wa-‘hamourim), comparaisons de textes (guezèroth chawoth) et «détails des scribes» (diqdouqei soferim). Rabbi Abahou a enseigné que c’est ‘Othniel qui les a reconstitués par déductions logiques. Il est en effet écrit: «‘Othniel, fils de Qenaz, frère puîné de Caleb, s’empara [de Qiryath-Séfèr]» (1,13). Et Rachi d’expliquer ce verset (ad Temoura16a) comme signifiant que Qiryath-Séfèr, autrement dit la «ville du livre», doit s’entendre par: halakhoth («lois»).

‘Othniel a parfois été identifié à Ya‘avets (IChroniques2,55), ainsi appelé parce qu’il a «conseillé» (ya‘ats) et favorisé l’étude de la Tora en Israël (Temoura ibid.). On rapporte également (Berèchith Rabba58,2) qu’il a assumé la direction des enfants d’Israël encore du vivant de Josué.

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‘Othniel est, avec Ehoud, le seul «juge» qui soit issu des tribus du sud. Ce fait mérite d’être noté alors que l’adversaire qu’il a affronté, Kouchan- Richa’thayim, était souverain d’un royaume, Aram, situé au nord d’Erets Yisrael. Or, tous ses successeurs, lorsqu’ils ont combattu leurs ennemis, se sont mesurés au contraire à des peuplades proches du territoire de leur tribu. Une explication paraît devoir s’imposer: A l’époque de ‘Othniel, dont nous avons vu que la judicature s’est confondue en partie avec le gouvernement de Josué, l’unité des enfants d’Israël en tant que peuple ne s’était pas encore fissurée. Ce n’est que la mort de celui-ci (Juges2, 7) qui a donné le signal du déclenchement des forces centrifuges au sein de la nation juive et de la prédominance d’un sentiment d’appartenance à sa tribu sur celle de solidarité avec l’ensemble du peuple hébreu.

(à suivre)

Jacques KOHN