La preuve la plus probante de notre dépendance à D.ieu est incontestablement notre attache à la Torah. Nous le proclamons d’ailleurs chaque jour dans nos prières : « Offre-nous notre part dans Ta Torah. »

Dans ce registre, nos Sages rapportent une interprétation intéressante du chant évoqué dans la paracha de ‘Houkat : « De Midbar, ils allèrent à Matana, et de Matana à Na’hliel… » (Bamidbar 21,19). Nos Sages proposent la lecture suivante de ces versets : « Lorsqu’un homme se considère comme un désert [midbar] – c’est-à-dire offert à tout venant –, la Torah lui est offerte en présent [matana], comme il est écrit : ‘De Midbar, ils allèrent à Matana’. Et à partir du moment où il la reçoit en présent, il devient l’héritage de D.ieu [na’halat kel] comme il est dit : ‘De Matana à Na’hliel’. »

Selon Rachi, la notion « d’héritage de D.ieu » s’explique ainsi : « La Torah devient pour lui comme un héritage. » Idée que le Midrach Chmouel (sur Pirké Avot 6, 2) développe davantage : « C’est-à-dire que lorsqu’un homme s’adonne à l’étude de la Torah – le présent que D.ieu nous accordé –, il devient lui-même l’héritage du Créateur et s’attache à Lui en propre, comme le dit le verset : ‘Quant à vous, qui êtes attachés à l’Eternel votre D.ieu…’ »
Confirmant cette vue selon laquelle la Torah constitue le biais le plus sûr pour s’attacher à D.ieu, le Ram’hal écrit : « Le Créateur nous octroya un moyen plus fiable que tout autre méthode permettant de nous élever, à savoir l’étude de la Torah. (…) Quiconque étudie la Torah avec pureté et sainteté, mû par des intentions désintéressées (…) verra naître en lui des dimensions éminentes et un très haut niveau de perfection… » (Dérekh Hachem part. I, chap. 4, 9). Certes, en notre qualité d’êtres de chair et de sang, nous devons également tenir compte des contingences matérielles, auxquelles nous ne pouvons échapper. Néanmoins, nous prions D.ieu de nous accorder « notre part dans la Torah », c’est-à-dire qu’elle devienne la charnière centrale de notre existence.

Avec le sceptre, avec leurs verges
La Torah ne se conçoit pas comme une science parmi tant d’autres. Comme l’explique encore le Ram’hal : « Contrairement aux sciences profanes, dont les connaissances ne s’acquièrent qu’au fil d’un dur labeur, la Torah est sacrée dans son essence. Sa réalité émane des plus hautes sphères célestes, et lorsqu’un homme s’y absorbe ici-bas, elle éclaire son âme et lui permet d’atteindre les Trésors les plus cachés, ceux du Créateur Lui-même… » Le Ram’hal poursuit cette idée en expliquant que « la Torah est à ce titre qualifiée de ‘lumière’ par le plus sage des hommes (Proverbes 6, 23). C’est-à-dire qu’elle est une lumière au sens propre du terme – et non au figuré, comme si elle se cantonnait à nous montrer la voie à suivre. Son essence est une véritable lumière céleste, qui pénètre dans l’âme et l’inonde de son éclat… »
Contrairement aux autres sciences, qui ne constituent qu’un amas de connaissances auxquelles l’homme ne s’identifie pas, la Torah doit s’envisager comme une part intégrante de notre être. Voici ce qu’écrit à ce sujet le Sfat Emet au nom de son aïeul, le ‘Hidouché Harim : « Le verset dit : ‘Ce puits, des princes l’ont creusé avec le sceptre, avec leurs verges’. Le sceptre [mé’hokek] évoque l’idée que les paroles de la Torah s’incrustent [ne’hkak] dans le corps humain (…) Et en ce sens, les mitsvot sont appelées ‘houkat haTorah [littéralement les préceptes de la Torah], car l’objectif est que les connaissances de la Torah s’impriment et se gravent dans le corps de l’homme » (sur ‘Houkat 5631).
Pour atteindre un tel niveau d’attachement à la Torah, il convient de lui consacrer de grandes forces et une attention particulière, aussi bien avec le cerveau qu’avec le cœur comme l’écrit Rachi : « L’homme doit s’efforcer d’avoir les yeux, le cœur et les oreilles orientés vers les paroles de la Torah » (Dévarim 32, 46).
Le Sfat Emet interprète dans le même ordre d’idée l’un des phénomènes particuliers au Don de la Tora : « Tout le peuple vit les voix puissantes » (Chémot 20, 15), c’est-à-dire qu’ils perçurent les voix de tout leur être et qu’ils ressentirent la lumière de la Torah dans tous les membres de leur corps. Et pour toutes les générations suivantes, l’étude de la Torah doit se présenter selon le même format : l’intégralité de nos facultés doit être consacrée à elle.

Ils sont Mon Sanctuaire
Sur la base de ces éclaircissements, nous comprendrons désormais mieux le sens de cette prière : « Que le Temple soit reconstruit prochainement et de notre vivant, et que Tu daignes nous accorder notre part dans Ta Torah. » Quel lien unit le début et la fin de cette requête ?
De nombreuses sources tendent à montrer qu’un lien puissant unit le Temple de Jérusalem à la Torah. Il apparaît en effet que l’objectif du Temple était précisément d’aménager un lieu d’où le message de la Torah pourrait jaillir. A cet égard, dans le temps, les Cohanim de Jérusalem avaient non seulement le rôle d’officier le sacerdoce, mais aussi d’enseigner et de résoudre les questions qui leur étaient soumises. Ceci apparaît clairement dans la bénédiction de la tribu de Lévi : « Ils enseignent Tes lois à Yaacov et Ta doctrine à Israël ; ils présentent l’encens devant Ta face et l’holocauste sur Ton autel » (Dévarim 33, 10).
A la lumière de ce que nous avons vu plus haut, cette réalité coule de source : dans la mesure où la Torah est une part intégrante de chaque homme, gravée profondément dans son âme, son message est donc intimement lié à celui du Temple, source de sainteté et de purification. Comme le résume le Sifté Tsadik (‘hanouka 21) : « Après chacune de nos prières, nous disons : ‘Que le Temple soit reconstruit (…) et accorde-nous notre part dans Ta Torah’. Cela suggère que tant que nous sommes en situation d’exil, il est impossible d’exploiter pleinement le potentiel de sainteté de la Torah, et l’on ne peut acquérir une crainte du Ciel égale à celle que l’on avait à l’époque du Temple. »

Par Yonathan Bendennnoune, Adapté à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu.