Relève [le nombre de] têtes des fils de Guerchon. (4, 22)

Nous lisons dans le Midrach (Bamidbar Rabba 6, 1) :
« Relève le nombre de têtes des fils de Guerchon  Cela est en harmonie avec le verset (Michlei 3, 15) : [La sagesse] est plus précieuse que les perles (peninim). Bien que Guerchon fût l’aîné [des fils de Léwi], et que l’Ecriture témoigne toujours du respect au premier-né, du fait que Qehath portait l’Arche contenant la Tora, c’est à lui que le Texte a accordé la préséance, puisqu’il est écrit d’abord (supra 4, 2) : Relève [le nombre de] têtes des fils de Qehath, et ensuite seulement : ?Relève [le nombre de] têtes des fils de Guerchon. Cela étaye bel et bien le verset : [La sagesse, à savoir la Tora] est plus précieuse que les peninim : [Elle est plus chère] que le premier-né, [à savoir] celui sorti des entrailles maternelles au début selon [la signification de ce mot dans] (Routh 4, 7) : Tel était [le procédé] au début (lifenim), en Israël. »Mais cela suscite une autre question, fait remarquer le Kelé Yaqar : Pourquoi le transport de l’Arche n’a-t-il pas été confié a priori aux fils de Guerchon, en tant que descendants de l’aîné des enfants de Léwi ?

Et ce Maître de répondre : Le Saint béni soit-Il a voulu ainsi montrer et prouver à tous que la gloire est réservée aux étudiants de la Tora  « l’honneur sera le lot des sages » (Michlei 3, 5)  raison pour laquelle il incombe de leur donner la préséance pour toutes les fonctions ou activités liées à la sainteté, de la même manière que les fils de Qehath, chargés de porter l’Arche, ont été nommés en premier par l’Ecriture.

Si ce transport avait échu aux fils de Guerchon, ce sont eux qui auraient été cités d’abord. Mais on aurait pensé alors qu’il l’ont été de par leur statut d’« aîné ». Voilà pourquoi cette activité a été confiée aux fils de Qehath, afin de bien souligner que leur préséance était due exclusivement à leur fonction de « porteurs de l’Arche contenant la Tora ».
Comme l’enseignent nos Sages, Aharon et sa descendance ont recueilli la « couronne de la prêtrise », et la maison de David a reçu celle de la royauté (Yoma 72b). On peut ajouter que la prérogative de l’aînesse échoit à celui né le premier. En revanche, la couronne de la Tora est laissée à la disposition de tous ; chacun peut la prendre en s’adonnant à l’étude. Telle est la signification de l’explication de nos Maîtres (Horayoth 13a) sur le verset précité ? « elle est plus précieuse que les peninim » : « Plus encore que la dignité du grand prêtre qui, [une fois par an, le jour de Kippour], s’introduisait lifnaï welifnim, dans la plus profonde intériorité? [à savoir dans le Saint des saints]. » Telle est la raison pour laquelle elle est également plus précieuse encore que le statut de « premier-né », selon l’interprétation du Midrach citée plus haut.
Sous cet éclairage, ajoute le Kelé Yaqar, nous pouvons invoquer un autre motif pour lequel les fils de Guerchon  issus du premier-né de Léwi  n’ont pas été chargés du transport de l’Arche : Si cette mission leur avait été confiée, ils s’en seraient glorifiés et auraient suggéré qu’elle leur revenait plus qu’aux autres de par leur statut de « premier-né ». Voilà pourquoi, afin de bien montrer que tous ont les mêmes « droits » sur la Tora et peuvent recueillir sa couronne, pour souligner que nul homme n’a, dans son acquisition, de préséance sur les autres, le transport de l’Arche a échu non pas aux fils de Guerchon, mais à ceux de Qehath.

Pourquoi cette paracha ne débute-t-elle pas avec les fils de Qehath, si déjà les dénombrements des familles de Léwi commencent avec eux ? s’interroge Abarbanel.Comme ce qu’ils avaient pour mission de transporter dans le désert était le plus important, la Tora cite le décompte des Qehatites avant celui des fils de Guerchon, bien que celui-ci fût l’aîné de Léwi.
Mais une fois que, par l’ordre des versets, la priorité était donnée à Qehath  en vertu de sa charge , il était à craindre que cela porte atteinte au respect dû à l’aîné. Or, Guerchon ne restait pas moins le premier-né des fils de Léwi !
Afin de parer à de tels inconvénients, les parachiyoth ont été découpées de telle manière que celle de Nasso débute précisément avec : « relève [le nombre de] têtes des fils de Guerchon », pour témoigner de l’honneur à Guerchon, l’aîné de la fratrie de Léwi.

Relève [le nombre de] têtes des fils de Guerchon, eux aussi, selon la maison de leur père, selon leur famille. (4, 22)

Que signifie cette précision : « eux aussi » ?
Suivant le sens littéral des versets, explique Rav ?Azarya Figo, dans son Bina le-?Itim, ces mots sont à comprendre en rapport avec les fils de Qehath mentionnés plus haut (4, 2).
Mais on peut également expliquer que ces termes sont destinés à mettre en garde les Guerchonites, afin qu’ils ne s’enorgueillissent ni ne se prévalent de leur ascendance familiale.
« Relève la tête des fils de Guerchon » ; mais ce à condition que eux aussi, par leurs actes, soient dignes de se positionner « selon la maison de leur père ». »