Dans la paracha de Matot, les tribus de Gad et de Réouven soumettent une requête particulière à Moché : elles souhaitent s’installer sur le versant est du Jourdain, dans les terres de Gilaad.


C’est au sujet de cette requête que le Midrach formule l’idée suivante : « Le Saint béni soit-Il dit à ces tribus : ‘Vous avez chéri votre bétail plus que vos propres vies, Je jure que vous n’y trouverez pas la bénédiction !’ C’est à ce propos qu’il est dit : ‘Un héritage acquis précipitamment, ne trouvera pas la bénédiction’ (Proverbes 20, 21) ».

De prime abord, ce Midrach laisse entendre que le manquement de ces tribus fut de n’avoir pas su patienter avant de réclamer ces terres : c’est leur « précipitation » qui suscita tant de reproches à leur adresse.
Le Chem miChmouel note que par leur zèle la terre de Gilaad fut privée de la sainteté d’Erets-Israël, comme on le voit dans le Livre de Yéhochoua : « Si c’est du fait de l’impureté de votre terre d’héritage, repassez dans le pays de l’Eternel ! » (22, 19).

Evènement similaire
Des circonstances semblables arrivèrent du temps du roi David. Nous savons que c’est le roi David qui conquit les terres de « Sourya », qui englobent toute la Syrie actuelle ainsi que le Liban. Or bien qu’approuvées par D.ieu, les conquêtes de David ne permirent pas d’attribuer à ces territoires la sainteté de la Terre d’Israël. Et si nos Sages ont imposé certaines obligations religieuses aux terres de Sourya, c’est uniquement pour éviter les risques d’amalgame entre ce pays et la toute proche Erets-Israël. Mais d’un point de vue formel, ce territoire n’est pas concerné par la « sainteté de la terre ».

Or pourquoi une telle discrimination ? Le Sifri (sur Ekev, ch. 51) explique : « Pourquoi les mitsvot liées à la terre n’ont-elles pas cours à Aram-Naharaïm [la Mésopotamie] et Aram-Tsova [canton d’Alep], alors que David les a conquis ? Parce que David agit contre la volonté de la Torah, qui ne tolère d’entreprendre des conquêtes à l’extérieur qu’une fois la Terre d’Israël soumise. Mais David n’agit pas ainsi : il entreprit les guerres d’Aram-Naharaïm et Aram-Tsova, avant même d’avoir dominé le Jébuséen qui vivait tout proche de Jérusalem. Le Saint béni soit-Il lui dit : ‘Tout près de ton palais, tu n’es pas encore le maître de ton territoire, et tu cherches déjà à conquérir d’autres terres ?!’ ».

Il en ressort du Midrach
La conquête des pays limitrophes est à même d’étendre la sainteté d’Erets-Israël à tout nouveau territoire et d’y imposer l’application des mitsvot. Or concrètement, ni les terres de Sourya ni celles de Gilaad ne furent concernées par ce principe, parce que leur conquête respective survint de manière inadéquate. Ce qui signifie en clair que la précipitation des tribus de Gad et Réouven, autant que celle du roi David, fut fatale pour les territoires conquis, et empêcha la sainteté de la terre de s’y étendre…

Procéder par étape
Lorsque l’on concentre toute son attention sur un objectif donné – au point d’en faire une véritable fixation –, on peut en venir à occulter certaines évidences pourtant toutes proches. Pour ces tribus d’Israël, prendre possession des terres de Gilaad était d’une importance telle, qu’ils en oublièrent même le but de la traversée du désert, à savoir la conquête de la Terre de leurs ancêtres. Ce qui nous invite à rester, en toute circonstance, lucides, et à accorder à chaque valeur la juste place qui lui revient…

Par Yonathan Bendennnoune,avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française