La paracha Mikets commence par un verset qui évoque deux événements, apparemment sans rapport l’un avec l’autre, le fait que deux années s’étaient écoulées depuis le rêve de l’échanson, et celui de Pharaon. Pourquoi la Torah les relate-t-elle dans un seul et même verset ?

RAV YOSSEF Ber de Volozine (1820 – 1892) – fils de Rav ‘Haïm Halévy de Volozine (1749 – 1821) – écrit dans son ouvrage Beth Halévy que tout phénomène a une cause et un effet. Or, très souvent les gens confondent la cause avec l’effet, car ils se laissent prendre au piège de la cause apparente ; de ce fait, ils perdent complètement de vue la véritable cause.
 Par exemple, celui qui a investi une somme d’argent et s’est enrichi, est convaincu que la cause de sa réussite est due à son investissement, et l’effet est son enrichissement. Mais en réalité, il commet là une grave erreur, car c’est Hachem qui a décidé de lui donner la prospérité. À la suite de cela, l’idée d’investir de l’argent dans cette affaire lui a été envoyée du Ciel. Donc, la cause a été la décision divine et la conséquence a été son habile investissement. Dans l’histoire de Yossef également, le midrach Rabba (Béréchit 89/1) nous enseigne qu’il serait erroné de croire que le rêve de Pharaon a été la cause qui a entraîné la libération de Yossef. C’est plutôt la décision de Hachem que le moment était venu pour que Yossef sorte de prison, qui a eu pour conséquence le rêve de Pharaon.
Le rêve de Pharaon était en vérité le moyen qu’Hachem avait choisi d’employer pour susciter la libération de Yossef. La cause était donc divine et le rêve de Pharaon n’était qu’une conséquence, sans plus.
 Pour cela, le premier verset de notre Paracha relie le fait que Yossef était deux ans en prison et le rêve de Pharaon.   Le ‘Hafets ‘Haïm racontait l’histoire d’un paysan arrivant en ville, et, pour la première fois de sa vie, voyait un train dans une gare. Sur le quai, un employé a sifflé pour annoncer que le départ du train était proche. Les voyageurs se sont alors installés dans les compartiments. Puis, l’employé a donné un deuxième coup de sifflet. Les retardataires se sont précipités dans les wagons, sachant que le train était sur le point de prendre son départ. En effet, un troisième coup de sifflet n’a pas tardé de se faire entendre, et le train s’est ébranlé. Le paysan était émerveillé : il était persuadé que l’employé au sifflet était un haut dignitaire de l’administration des chemins de fer, puisqu’il décidait de sa propre autorité à quel moment les voyageurs devaient s’installer à leur place et à quel moment le train allait partir. Il a présenté ses hommages très respectueux à cet employé, qui lui a répliqué qu’il n’était qu’un petit pion. Les hauts fonctionnaires qui prenaient les décisions étaient confortablement installés dans leur fauteuil, dans les bureaux de la compagnie. Quant à lui, il ne faisait qu’exécuter les ordres qu’il recevait. La cause de tout se situe au niveau des décisions des chefs ; lui n’assumait que la conséquence de ces causes.
De la même façon, expliqua le ‘Hafets ‘Haïm, la plupart des gens confondent cause et effet. Ils ne voient que le coup de sifflet de l’employé de la gare… !
  Il faut réaliser que notre action ne portera pas automatiquement ses fruits mais que lorsque ce sera le cas, alors ce n’est pas nous qui en serons la cause mais le Maître du Monde. La réussite a tout d’abord été décidée par Hachem. C’est en effet Lui qui décide de faire réussir l’un, et de faire échouer l’autre, généralement suivant leurs mérites respectifs. Dans tous les cas, Ses décisions sont justes, et même généreuses. Conformément à Ses décisions, Hachem inspire aux uns et aux autres l’idée d’agir de manière à entraîner la réalisation concrète du décret divin.
Cette réflexion doit nous inciter à rendre à Hachem Sa place véritable dans notre vie et dans le monde. Cette tâche est rendue difficile par notre entourage qui tend à interpréter les événements à l’instar du paysan qui voit un train pour la première fois de sa vie.
  Toutefois, il nous incombe d’adopter la perspective de la Torah, afin de nous positionner à notre niveau et à notre place réels, grâce au message d’humilité que nous inspire et nous enseigne le premier verset de notre paracha.
Par Rav Hayim Yaacov Shlammé.Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française