La mitsva de Brit-Mila (circoncision) est communément désignée comme « l’alliance d’Avraham notre ancêtre », car il fut le premier homme à avoir reçu l’ordre divin de pratiquer la circoncision.

Juste avant d’énoncer l’ordre de cette mitsva essentielle, D.ieu adressa à Avraham quelques mots d’introduction : « Marche devant Moi et sois intègre, et Je maintiendrai Mon alliance avec toi » (Béréchit 17, 1-2). Rachi interprète l’ordre « d’être intègre » de deux manières différentes : selon la lecture première du verset, ces mots enjoignent Avraham d’être entièrement dévoué à D.ieu, et de surmonter toutes les épreuves que le Créateur mettrait à l’avenir sur sa route. La seconde interprétation emprunte quant à elle une voie midrashique : « Marche devant Moi – en observant la circoncision. Et c’est ainsi que tu deviendras intègre, car tant que tu es incirconcis, tu resteras imparfait à Mes yeux. »
La perfection humaine
Nos Sages énoncent une règle générale relative à la cacherout des bêtes : « Tout élément superflu est considéré comme un manque » (‘Houlin 58/b). C’est-à-dire que de même que lorsqu’une bête présente un défaut majeur au niveau d’un de ses organes, on la considère comme étant tréfa (condamnée et donc impropre à la consommation), ainsi un organe superflu peut être susceptible de la rendre tréfa. Selon le Sfat Emet (Leh Leha 5634), la présence du prépuce chez l’homme est, à ce titre, également considérée comme un manque, et c’est seulement en le retirant que le corps humain prend sa forme parfaite.
Le Sfat Emet explique encore que cette ablation offre au corps un plus haut niveau de perfection, dans la mesure où l’être humain est composé de deux parties centrales : un corps et une âme, laquelle est issue du Créateur Lui-même. Or, ces deux éléments évoluent dans un affrontement permanent. C’est donc pour permettre à l’âme de dominer le corps, qu’il est impératif d’opérer un retranchement sur ce dernier.
C’est en effet ainsi que D.ieu créa l’homme : en réduisant le corps, l’âme peut prendre une place prépondérante dans son existence. « En effet, ajoute ailleurs le Sfat Emet (année 5662), tant que le prépuce est présent, l’âme ne peut éclairer le corps (…) C’est seulement après l’avoir retiré que l’âme inonde l’homme de lumière, et celui-ci est alors considéré comme intègre et parfait. »
Selon ces explications, une question ne manquera pas de se poser : étant donné que le prépuce constitue un défaut dans le corps humain, pourquoi D.ieu ne créa-t-Il pas l’homme d’emblée dans sa forme la plus parfaite, sans cet appendice ? Cette question apparaît en fait déjà dans le Midrach (Béréchit Rabba 11, 7), qui y répond en ces termes : « Tout ce qui a été créé pendant les six jours de la Création requiert encore une intervention humaine : la moutarde doit être adoucie, les lupins doivent être adoucis, le blé doit être moulu, et même le corps humain requiert une opération… » En clair, D.ieu créa le monde avec de légères imperfections, et c’est à l’homme qu’il incombe de compléter les manques. Ceci nous révèle la formidable influence que peut avoir l’homme sur son environnement, et son rôle capital dans l’existence. De cette manière, il atteint lui-même la perfection, en même temps qu’il perfectionne la Création divine.
L’action positive
Cependant, contrairement aux autres éléments de la nature, la circoncision ne vient pas seulement réparer l’imparfait, mais aussi agir positivement sur le corps humain, en cela qu’elle le marque du sceau du Roi du monde.
Grâce à la circoncision, l’homme pénètre dans une voie suprême de sanctification. Autrement dit, la Brit Mila n’est pas seulement un moyen de « s’éloigner du mal », mais également de « faire le bien » – activement, en entrant dans l’alliance d’Avraham. Comme l’explique le Sfat Emet (Vayichla’h 5648) : « Le but de la circoncision est qu’une marque de cette alliance soit imprimée dans le corps de chacun. Elle est à ce titre appelée ‘une marque de l’alliance sacrée’ [ote bérit kodech]. La circoncision ne se limite donc pas seulement à l’ablation du prépuce, mais il s’agit d’un symbole général, pour la totalité de leur être. (…) Ainsi, lorsque les enfants d’Israël se montreront prêts, par l’acte de la circoncision, à s’attacher à D.ieu et à annuler tout leur corps à Sa volonté, l’effet se fera sentir sur la totalité du corps… »
Selon certains avis, c’est en ce sens que, lors des cérémonies de circoncision, on prononce deux bénédictions différentes : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné de réaliser la circoncision » et « Qui nous a ordonné de faire entrer cet enfant dans l’alliance d’Avraham notre ancêtre ». Nulle part ailleurs nous ne trouvons deux bénédictions pour une même mitsva. Pourquoi la Brit Mila fait-elle exception ? Car comme nous l’avons vu, la circoncision renferme deux dimensions distinctes : d’une part, la réparation du corps par l’ablation du prépuce, et d’autre part, l’introduction dans l’alliance d’Avraham.
Le signe d’une alliance
Il convient également de rappeler que la circoncision n’est pas une mitsva parmi tant d’autres : il s’agit d’une alliance scellée entre le Créateur, et Avraham et toute sa postérité. Or, toute alliance signifie qu’un lien étroit est tissé entre deux parties, si bien que jamais leur union ne pourra être résiliée, quelles que soient les circonstances.
Ce point permettra de résoudre une question bien connue : nos Sages affirment qu’Avraham accomplissait toutes les mitsvot de la Torah, avant même que celle-ci ne fut donnée (Yoma 28/b). Par conséquent, pourquoi ne se circoncit-il pas plus tôt ?
On rapporte au nom du rav de Brisk que la mila devait impérativement survenir après un ordre, car son principe même est l’alliance entre D.ieu et l’homme. Or, il est impensable de sceller une alliance sans que les deux parties ne l’aient sollicitée de leur plein gré. Ce n’est donc pas tant l’acte de la circoncision qu’Avraham révéla au monde, mais cette disposition à pénétrer corps et âme dans une alliance indéfectible entre le Créateur et l’homme.
Par Yonathan Bendennnoune, adapté à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu.