Le temps qui sépare Pessa’h de Chavouot est communément appelé « période de l’Omer ». Or, à une certaine époque, elle revêtait une connotation de deuil du fait que les élèves du célèbre maître Rabbi Akiva étaient victimes d’une terrible épidémie ayant décimé 24 000 d’entre eux : pendant 32 jours sans interruption, des centaines d’enfants étaient donc enterrés à la tombée de la nuit. De là bien sûr, la perpétuation dans toute notre histoire et jusqu’à aujourd’hui de ce traumatisme qui fut une souffrance indicible !
Mais au-delà de ces dramatiques événements factuels, cette période est en fait porteuse d’un double enseignement colossal…
Rabbi Akiva était en effet le grand maître de la loi orale, si bien qu’avec la mort en série de ses élèves, c’était toute la Torah ché beal pé qui risquait de disparaître car elle n’aurait plus pu être transmise. Or voilà que Rabbi Akiva nous donne un enseignement extraordinaire… Âgé à ce moment-là de 64 ans et alors qu’il venait de perdre tous ses disciples, ce grand sage ne baisse pas les bras : il va dans le sud d’Israël pour y fonder une nouvelle yéchiva !
De cet institut talmudique de « sauvetage » de la Torah orale, sortiront ses six plus grands maîtres : rabbi Shimon Bar Yo’haï, rabbi Méïr Baal Haness, rabbi Yéhouda Bar Ilaï, rabbi Yossi ben ‘Halafta, rabbi Éléazar ben Shamoua et rabbi Néh’emia. Malgré l’ampleur de la catastrophe qui avait annihilé tous ses disciples, Rabbi Akiva ne s’est donc jamais découragé. Son double message est donc limpide : il ne faut jamais arrêter ni de prier ni d’espérer, mais il ne faut jamais oublier ce qui s’était passé…
Voilà pourquoi on ne célèbre pas de mariages juifs pendant cette période : une mesure d’exception fort rare dans notre tradition tant il est important pour le judaïsme de continuer à fonder des foyers. Mais au-delà de l’aspect dramatique de cette épidémie ravageuse, ce que veulent transmettre nos Sages par ce deuil, c’est que si la Torah orale se trouvait – qu’à D.ieu ne plaise ! – un jour effacée, ce serait la Torah tout entière qui le serait ! En effet, la Torah écrite dépourvue de sa dimension orale donnée elle aussi au mont Sinaï avec la Torah écrite n’a littéralement aucun sens.
Une étude réalisée voilà un peu plus de 25 ans aux USA a démontré que quelque 1 785 religions de par le monde sont issues du judaïsme et se fondent toutes sur les écrits de la Bible hébraïque en interprétant son texte. Ce qui montre combien – sans notre loi orale qui protège la loi écrite et transmet son esprit -, il est possible de s’égarer complètement par rapport au message divin originel et unique qu’elles contiennent toutes deux en se complétant !
Le compte de l’Omer est donc l’occasion de rendre hommage aux sages d’Israël qui, de tout temps et sans interruption, ont assuré la transmission de la Torah et de la langue hébraïque. Car si l’on parle de nos jours en Israël l’ivrit moderne, c’est bien grâce à tous ces maîtres d’Israël qui, pendant deux millénaires depuis la destruction du Temple, n’ont jamais cessé en plein exil de correspondre entre eux en hébreu, de le parler et de l’écrire. Ce qui a maintenu notre vénérable langue, mais – bien au-delà – le message entier de la Torah et son esprit.

Par le Rav Sitruk, en partenariat avec Hamodia.fr