Commentant le verset : « Ils prendront à ton attention une vache rousse, parfaite, sans défaut, et qui n’a jamais porté le joug. Vous la remettrez au prêtre Eléazar qui la conduira hors du camp, et on l’immolera en sa présence » (Bamidbar 19, 2), le Midrach (Yalkout Chimoni, ‘Houkat 19) enseigne : « La ‘vache’, c’est l’Egypte, comme il est dit : ‘Ô Egypte, génisse aux belles formes’ (Jérémie 46, 20). ‘Rousse’, c’est Babel, comme il est dit : ‘Tu es la tête d’or’ (Daniel 2, 38). ‘Parfaite’, ce sont les Mèdes.

Rabbi ‘Hyia bar Aba a dit : ‘Les rois des Mèdes étaient irréprochables, l’Eternel n’eut contre eux aucun grief, si ce n’est les cultes idolâtres qu’ils reçurent de leurs pères’. ‘Sans défaut’, c’est la Grèce. Quand Alexandre de Macédoine vit Chimon haTsadik, il se leva de tout son séant et déclara : ‘Béni soit le D.ieu de Chimon haTsadik’. Les dignitaires qui l’accompagnaient lui demandèrent : ‘Est-ce devant un Juif que tu te lèves ?’ Il leur répondit : ‘Quand je l’ai vu s’approcher, j’ai compris à la vue de ce visage que je remporterai la victoire’. ‘Et qui n’a jamais porté le joug’, c’est le quatrième empire qui ne plie pas sous le joug de la royauté divine ; non seulement il la refuse, mais il l’injurie, blasphème et déclare : ‘Qui peut-il être pour moi dans le ciel ?’ (Psaumes 73, 25). ‘Vous la remettrez au prêtre Eléazar ; il la fera conduire hors du camp’. Car, dans le futur, Il expulsera un grand dirigeant hors de ses frontières. ‘Et on l’égorgera en sa présence’, comme il est dit : ‘Un festin pour Dieu se prépare à Batsra, de grandes hécatombes dans le pays d’Edom’ (Isaïe 34, 6) ; Rabbi Berkhia a dit : ‘Il sera un grand boucher sur terre’. ‘Alors, on brûlera la vache sous ses yeux’ [Sous les yeux du Cohen officiant au rituel de la vache rousse], ‘son corps détruit, livré à l’action du feu’ (Daniel 7, 11). ‘Sa peau et sa chair…’, lui, ses décisionnaires, ses gouvernants, et ses exécutants, comme Tu l’as dit : ‘Tes biens et tes marchandises, tes denrées, tes matelots et tes pilotes, tes calfats et tes courtiers, et tous les gens de guerre qui étaient chez toi’ (Yi’hézkiel 27, 27). Chmouel, fils d’Its’hak ajoute : ‘Même ceux de mon camp qui se sont approchés et se sont associés à ton projet, eux aussi ils périront dans les flots, le jour de ton naufrage’ ».

Comme le rappelle le Maharal de Prague dans son « Ner mitsva », la lecture des quatre empires dans le rituel de la vache rousse nous met en présence de leur point commun : de même que l’être humain ne peut saisir le secret de la vache rousse, il ne saurait se représenter ce qui peut mettre un terme à la puissance du quatrième empire, comme il est dit à propos de Yaacov Avinou qui, dans un rêve, vit monter le quatrième empire le long d’ « une échelle plantée dans la terre » (Béréchit 28, 12), mais il ne le vit pas redescendre… Voilà pourquoi les Sages ont vu une allusion aux quatre empires dans le passage concernant la vache rousse car, c’est parce qu’elle relève de la pure transcendance que la puissance du quatrième empire se maintient.

L’apparition d’Israël
Paradoxalement, le même Midrach ajoute : « Il y a un autre plan de signification : la ‘vache’, c’est Israël, comme il est dit : ‘Si Israël s’entête comme la vache qui regimbe’ (Ocha 4, 16). ‘Rousse’, c’est Israël, comme il est dit : ‘Leur éclat est plus rouge que le rubis’ (Lamentations 4, 7). ‘Parfaite’, c’est Israël, comme il est dit : ‘Ma parfaite colombe’ (Cantiques des Cantiques 5, 2). ‘Sans défaut’, c’est Israël, comme il est dit : ‘Mon amie, tu es belle et sans défaut’ (Ibid. 4, 7). ‘Et qui n’a jamais porté le joug’, c’est la génération de Jérémie qui se débarrassa du joug de la royauté divine. ‘Vous la remettrez au prêtre Eléazar’, c’est Jérémie, comme il est dit : ‘L’un des prêtres demeurant à Anatot’ (Jérémie 1, 1). ‘Il la conduira hors du camp’, c’est Nabuchodonosor (…) qui déporta la population en Babylonie (Ezra 5, 12). ‘Et on l’égorgera en sa présence’ ; ‘On égorgea d’abord devant Sédécias ses propres fils, puis on lui creva les yeux’ (Rois 2 ; 25, 7). ‘Alors, on brûlera la vache sous ses yeux’, ‘il [Nabuchodonosor] mit le feu au Temple de l’Eternel et au palais du roi’ (Jérémie 52, 13). ‘Sa peau, sa chair et son sang, on les brûlera avec sa fiente’, ‘de même, il livra aux flammes toutes les demeures de Jérusalem, et toutes les grandes maisons’ (Idem.). Et pourquoi sont-elles dénommées les ‘grandes maisons’ ? Pour te faire savoir que dans la maison d’étude de Rabbi Yo’hanan ben Zakaï, étaient enseignés les prodiges que réalisa le Saint béni soit-Il. ‘Il prendra’, c’est Nabuchodonosor. ‘Du bois de cèdre, de l’hysope et de l’écarlate’, il s’agit de ‘Hanina, de Michaël et d’Azaria. ‘Qu’il jettera dans le feu où se consume la vache’, ‘la fournaise avait été chauffée outre mesure’ (Daniel 3, 22). ‘Et [le prêtre] recueillera’, il s’agit de l’Eternel, comme il est écrit : ‘Il lèvera un étendard en direction des nations et recueillera les exilés d’Israël’ (Isaïe 11, 12). ‘Un homme’, c’est l’Eternel, comme il est dit à son sujet : ‘D.ieu est l’homme des batailles’ (Chémot 15, 3). ‘Pur’, c’est D.ieu, comme il est dit : ‘Toi qui as des yeux si purs qu’ils ne peuvent voir le mal’ (‘Habakouk 1, 13). ‘Les cendres de la vache [rousse]’, ce sont les exilés d’Israël. ‘Et il les déposera hors du camp dans un lieu pur’, c’est Jérusalem, la pure. ‘Et elles resteront en dépôt pour la communauté d’Israël’, non comme dans ce monde-ci où c’est le prêtre qui procède à la purification, mais comme dans le monde à venir où c’est le Saint béni soit-Il qui purifie. Et d’où l’apprend-t-on ? [Car il est écrit :] ‘Et Je déverserai sur vous des eaux pures afin que vous deveniez purs’ (Ye’hézkiel 36, 25) » (Yalkout Chimoni, ‘Houkat 19).

Et le Maharal de Prague d’expliquer que si la fin de l’exil et le retour de la souveraineté d’Israël sont mentionnés précisément dans le passage qui traite de la vache rousse, c’est parce que la fin des quatre exils tire son origine d’une réalité souveraine, seule susceptible d’apporter un terme au pouvoir que ces empires exercent dans le monde. Ainsi, à propos du rituel de la vache rousse, le roi Chlomo s’est exclamé : « J’avais dit : ‘Je possèderais la science. Et elle se tient loin de moi’» (Kohélèt 7, 23). Car, de la même manière que la signification de ce rituel nous échappe, de même le retour de la royauté d’Israël à son origine et l’évanouissement des quatre empires nous sont inconnus, leur date n’ayant pas été dévoilée aux prophètes. « Le principe qui enjoint les quatre empires à dominer le monde et qui finira par les chasser relève de la plus haute sagesse. Le comprendre, c’est déjà ne plus s’interroger sur le pourquoi de l’exil, ni en particulier sur la ténacité du quatrième exil. Il n’y a donc aucune raison de se tenir médusé devant son vertige, car la possibilité de sa puissante domination, comme le commandement de la vache rousse, relève des plus hautes formes du savoir » (Ner mitsva)…

Par Yehuda-Israël Rück,en partenariat avec Hamodia.fr