Les Sages révèlent que si le lépreux endure de telles souffrances et une si
rigoureuse exclusion, c’est parce qu’il s’est rendu coupable d’une faute bien
précise, comme l’orgueil ou la médisance. Car toute plaie, tout événement
– et en réalité toutes les circonstances de la vie – ont un dessein bien
déterminé. Ce thème sera pour nous l’occasion de retracer brièvement la
signification du « nissayon »…

Le mot hébreu nissayon – que
l’on traduit à tort ou à raison
par « épreuve » – suggère
différentes notions ; or celle qui
nous intéressera dans le cadre de
cet article correspond néanmoins
parfaitement à cette traduction
dans la mesure où, comme nous
nous en apercevrons, elle consiste
précisément à « inciter l’homme à
faire ses preuves ».

La racine étymologique de « ness »,
qui signifie littéralement une
« perche » ou peut-être plus précisément
un « étendard » (comme il
apparaît dans le verset Bamidbar,
21, 8 concernant le serpent d’airain
de Moché), suggère généralement
l’idée du « miracle ». Elle se retrouve
cependant dans plusieurs
autres occurrences, notamment au
sujet de la Akédat Its’hak : « Après
ces faits, D.ieu éprouva [nissa]
Avraham », (Béréchit, 22, 1) – où il
est clairement question d’une mise
à l’épreuve – ; ou encore concernant
la génération du désert à qui
D.ieu déclara : « Tous ces hommes
(…) M’ont déjà tenté [vayinassou]
à dix reprises » – où ce terme implique
plutôt l’idée d’exigence de
miracles et de preuves de la Toutepuissance
divine. Enfin, le verbe
« lanouss » signifie également
« se sauver » et renvoie à l’idée de
« fuite » et de « déroute ». En réalité,
comme nous allons nous en
apercevoir, ces différentes notions
convergent toutes dans une même
direction qui mène à l’idée de « démonstration
».

Le Ramban, s’arrêtant sur le verset
précité relatif au sacrifice
d’Its’hak, s’exprima en ces termes :
« Le principe du nissayon, selon
moi, résulte du fait que les actes
de l’homme sont entièrement livrés
entre ses mains, chacun agissant
précisément comme il le souhaite
et s’abstenant de faire ce qu’il ne
souhaite pas. Par conséquent, le
‘nissayon’ provient de l’idée de la
‘dispersion’ [ménoussa] des actes.
Mais Celui Qui envoie l’épreuve,
Béni soit-Il, Il ne le fait que pour
permettre à l’homme d’extraire sa
piété de la puissance à l’acte, afin
que sa récompense soit celle d’un
acte bon et pas uniquement celle
d’un coeur bon ».

De fait, le nissayon apparaît comme
étant ce support par lequel
l’homme « établit la preuve » de ses
capacités. Dans cette perspective,
il apparaît donc que le ness – cette
« perche » tendue vers le ciel – est
le symbole par excellence de toute
preuve ou démonstration que l’on
cherche à établir et ce, pour mettre
un terme à cette « dispersion »
vagabonde des actes humains (la
langue hébraïque emploie en effet
souvent la même racine pour exprimer
des concepts opposés).
C’est également en ce sens que le
miracle est à proprement parler
la preuve et le « regard » [mira]
offerts sur la Toute-puissance divine,
et à cet égard, lorsque les
hommes « tentent » D.ieu, c’est précisément
pour exiger de Lui qu’Il
démontre à leurs yeux Son pouvoir
infini.

Les bases de cette notion de nissayon
étant établies, nous pourrons
à présent nous rendre compte
combien son implication dépasse
totalement, comme nous avons
tendance à le croire, le seul ordre
de faits prodigieux réalisés par des
hommes exceptionnels…

Est-il plus facile d’être
riche que de vivre dans
l’indigence ?

Ces quelques lignes du Midrach
(Chémot Rabba, chapitre 31) ouvriront
à nos yeux un tout nouveau
regard sur la notion de l’épreuve :
« ‘Si tu prêtes de l’argent’, (Chémot
22, 24) – c’est à ce sujet qu’il
est dit : ‘Il est un mal pénible sous
le soleil, c’est la richesse amassée
pour le malheur de celui qui la possède.
Cette richesse se perdra par
quelque fâcheuse circonstance’,
(Kohélet 5) ; Heureux l’homme qui
surmonte ses épreuves, car il n’est
pas une seule créature sur terre que
le Saint Béni soit-Il n’éprouve pas :
le riche, Il l’éprouve en examinant
s’il ouvre son coeur aux pauvres,
et le pauvre, Il l’éprouve en examinant
s’il peut accepter ses tourments
sans être saisi de colère ».
Les enseignements contenus dans
ce passage sont extrêmement
denses. Nous y découvrons tout
d’abord qu’« il n’est pas une seule
créature sur terre que le Saint Béni
soit-Il n’éprouve pas ». Assertion
hautement significative, cet adage
n’est pas sans rappeler le verset des
Lamentations « Car l’homme vient
au monde pour le labeur », et révèle
que loin d’être une succession de
périodes difficiles que l’on s’évertuerait
à oublier, l’épreuve constitue
le lot de tout être humain sur
terre ! Par ailleurs, il se dégage des
lignes de ce Midrach que la richesse
autant que la pauvreté entrent
toutes deux dans le cadre de cette
définition du nissayon. Qu’est-ce à
dire ?

Tracer son chemin…

De fait, c’est dans le « Dérekh Hachem
» (Partie II, chapitre 3), l’une
de ses oeuvres le plus concises et
les plus magistrales par sa limpidité,
que le Ram’hal résume en quelques
paragraphes précis la teneur
exacte de ces « épreuves ».
Ainsi, explique rabbi Moché ‘Haïm
Luzzato zatsal, toutes les circonstances de la vie, ses infinies conjonctures
et toutes les dispositions qui composent
l’existence sur terre sont
autant d’expression de ce principe
du nissayon. En effet, tous ces incalculables
facteurs qui remplissent
et composent la vie de tout
un chacun, tous ces détails qui
forgent l’existence commune permettent
en réalité de donner jour
à d’innombrables situations qui se
dressent face à l’homme et auxquelles
celui-ci doit faire face. Or,
ce sont ces situations qui « constituent
le propre de l’épreuve, dans
les proportions qu’y occupe le mal
et à la mesure de la latitude dont
dispose l’homme pour les surmonter
et pour en saisir l’opportunité
».

En clair, comme dans l’exemple
de la richesse et de la pauvreté,
l’homme est en quelque sorte
« déposé » dans le contexte d’une
multitude de circonstances qui
constituent elles-mêmes en substance
le principe élémentaire du
nissayon. Ainsi, par ces épreuves,
l’être humain se voit-il soit
confronté à une difficulté – comme
celle de la pauvreté –, soit
conforté dans une situation – à
l’instar de la richesse – qu’il est
n’est pas moins tenu de surmonter
pour se maintenir à la hauteur de
sa vocation.

En reprenant l’exemple du Midrach
cité plus haut, le Ram’hal
poursuit son idée en ces termes :
« En effet, s’il n’existait par exemple
ni la richesse, ni la pauvreté,
comment l’homme prouverait-il
sa clémence ou au contraire sa
cruauté ? Mais à présent, voici que
le riche pourra être mis à l’épreuve
par son argent (…) également
en examinant s’il s’enorgueillira
à cause de sa richesse, ou s’il se
laissera entraîner par les futilités
de ce monde-ci en délaissant le
service de son Créateur ; ou si au
contraire, en dépit de toute sa richesse,
il fera preuve d’humilité et
de soumission, rejetant les vanités
de ce monde pour se consacrer à
la Torah et au service de D.ieu ».
A la lumière de cette perspective,
il apparaît que tous ces éléments
– manifestement ceux que l’on détermine
comme étant l’oeuvre du
mazal -, c’est-à-dire ce « destin »
qui trace le chemin des hommes
dès leur naissance, participent
au conditionnement du nissayon
propre à chaque individu.
Le Midrach nous révèle donc à
juste titre qu’il n’est pas un homme
que D.ieu ne mette à l’épreuve,
dans la mesure où tous les éléments
qui composent notre vie
et qui accompagnent notre quotidien
– et auxquels absolument nul
ne réchappe ! – ne sont autres que
nos propres épreuves spécifiques
qu’il nous incombe de surmonter
en particulier…

L’homme n’est donc à aucun moment
livré à une sorte de « destin
» ou de « fatalité » car le destin
ne représente rien d’autre que sa
propre réalité ; c’est par lui qu’il
s’affirme en tant qu’être particulier
et qu’il se singularise de ses
semblables. Ces innombrables
choses qui composent notre vie,
avec leurs avantages et leurs inconvénients,
toutes ces parties
de nos vies dont nous sommes
incapables de déterminer si elles
sont dans l’absolu « bonnes » ou
au contraire « néfastes » pour notre
élévation spirituelle, ne sont
en réalité que l’expression exacte
de notre rôle sur terre. C’est cet
assemblage unique d’une multitude
d’éléments qui fait que notre
tâche est absolument unique et
qu’elle mérite d’être vécue en tant
que telle, sans qu’il n’y ait aucunement
la place pour « envier » le
sort d’autrui !

En définitive, le chemin de l’homme
n’est pas parsemé d’embûches
ni même de réussites, mais ce sont
au contraire celles-ci qui composent
et qui constituent le propre
de la route d’une existence.
Comme le résume en quelques succincts
mots le Ram’hal : « Il apparaît
que chaque être humain détient
une part unique de nissayon
dans sa bataille contre le mauvais
penchant. Cette part constitue son
ordre et son rôle dans ce mondeci,
et il lui incombe de les surmonter
en accord avec ses dispositions.
En conséquence de quoi les actes
de l’homme seront jugés par le Jugement
divin à la mesure précise
du rôle qui lui fut confié, sous tous
les plans et avec une exactitude
parfaite ».

Yonathan Bendennoune


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