« Avar Zemano Batel Korbano » Ces quatre mots en hébreu renferment l’un des grands principes directeurs de la vie juive. Ils signifient que toute personne qui a raté un événement temporel n’a aucun moyen de revenir dessus. Ou en traduction littérale : « Si son temps est passé, le sacrifice est annulé ». Si par exemple d’extrapolation, un Juif a oublié de respecter un Chabbat, il ne pourra pas se rattraper en le respectant le dimanche ou le lundi suivant. De facto, chaque événement est porteur d’une mitsva qui lui est propre et si sa date est dépassée, la mitsva ne peut être rattrapée.

Toutefois, une précision s’impose : ceci est en effet valable dans tous les cas sauf un : la mitsva du « Korban Pessa’h », le sacrifice pascal.
Rappelons que l’année de la sortie d’Égypte, les Enfants d’Israël avaient reçu l’ordre divin de consommer en famille, et à la veille de Pessa’h, un agneau pascal. Cependant, certains d’entre eux s’étaient alors tournés vers Moché Rabbénou en lui faisant remarquer qu’ils étaient impurs par exemple à la suite d’un contact avec un mort et que par conséquent ils ne pouvaient consommer ce Korban Pessa’h : « Pourquoi serions nous écartés de cette mitsva ? », avaient-ils demandé à Moché qui s’était empressé de soumettre leur cas au Tout-Puissant. La réponse divine était claire : « Qu’ils reviennent dans un mois, le 14 Iyar, et ils m’offriront alors le Pessa’h chéni, un second Pessa’h.
Comment expliquer cette option unique de rattrapage dans le temps? Nos sages nous enseignent que le Korban Pessa’h est, avec la Brit-mila, une des deux seules « mitsvot assé » (commandements positifs), qui en cas de non-application est sanctionnée par « karèt », la mort par retranchement, une sanction réservée d’ordinaire à ceux qui transgressent un commandement négatif. Ainsi d’ordinaire si quelqu’un oublie de mettre les téfilin, il a simplement « raté » une mitsva mais ne sera pas sanctionné pour cet oubli. Par contre, le Korban Pessa’h (tout comme la Brit-mila) possède une importance telle dans le façonnement identitaire du peuple juif que celui qui le transgresse ou l’oublie est passible de « karèt » (retranchement). Les Enfants d’Israël qui avaient perçu la dimension particulière de cette mitsva n’ont pas voulu en être exclus. Et c’est ainsi qu’Hachem, leur a accordé cette « session de rattrapage », le 14 Iyar.
Aujourd’hui, nous savons que les deux commandements qui sont restés le plus profondément ancrés dans l’identité juive sont précisément la Brit-mila et le Séder de Pessa’h. L’immense majorité de notre peuple, qu’il soit pratiquant ou non, croyant ou non, continue à respecter ces deux mitsvot.
Il convient de le rappeler à l’approche du 14 Iyar que nous marquerons le dimanche 6 mai prochain en éludant, ce jour-là le « Ta’hanoun » et en consommant comme le font certaines communautés de la matsa.
Cependant, une dernière question vient nous interpeler. Pourquoi ces personnes impures le 14 Nissan devaient-elles patienter un mois entier avant de consommer ce Korban de Pessa’h chéni alors que l’on sait que les règles d’impureté ne dépassent pas généralement une ou deux semaines ? La réponse est simple : lorsque les Bné Israël sont sortis d’Égypte, ils n’avaient emporté avec eux qu’une provision de matsot faites à la hâte, à la dernière minute. Cette provision de matsot a tenu pendant 30 jours jusqu’à ce que l’Éternel constate le manque et commence à faire tomber la manne quotidienne. De telle sorte que l’impact spirituel de Pessa’h s’était fait sentir jusqu’au 14 Iyar, 30 jours après la fête. À nous donc de profiter de ces derniers instants de liberté spirituelle pleine et entière que nous a apporté la fête de Pessa’h.

Par le Rav Yossef Haim Sitruk Zatsal