Le rituel de Yom kippour est d’une grande richesse, et pourtant le texte le plus connu du grand public : Kol nidrei , est complètement éloigné du contenu de cette fête.

Ce paragraphe est pour beaucoup de gens l’emblème de l’office synagogal de la veille de Kippour , quand bien même son rapport avec cette journée, que nous consacrons entièrement à la quête du pardon divin, est inexistant.

Nous y demandons à être relevés des vœux que nous avons fait, ou que nous allons faire, ce qui n’a pas manqué de provoquer tout au long de l’histoire les critiques acerbes de ceux qui, Juifs et non-Juifs, nous ont accusés de chercher ainsi à manquer impunément à nos engagements et à la parole donnée.

C’est dire que le texte de cette prière, dont on ne connait ni le nom de son auteur ni l’époque de sa composition, mais dont on sait qu’elle existait déjà à l’époque des Gaonim , a connu diverses péripéties.

On s’accorde à dire, d’une manière générale, que nous ne pouvons demander à être relevés, en prononçant la formule de Kol nidrei , que des vœux dont nous n’avons pas gardé le souvenir ou dont nous ne nous sommes pas, par inadvertance, exécutés comme nous l’aurions dû. Il ne s’agit en aucun cas de nous dégager d’engagements connus de nous et par lesquels nous nous sommes liés envers des tiers.

Il n’empêche que certains parmi les Gaonim , comme Amram Gaon , ont traité la récitation de Kol nidrei de « minhag chetouth » (« coutume stupide »).

Le texte de Kol nidrei a connu divers changements à travers les âges. Nous retiendrons ici, parmi ces changements, celui qu’a introduit un Tossafiste, rabbi Méir ben Chemouel (1060-1135), gendre de Rachi et père de Chemouel ben Méir , mieux connu sous l’acronyme de Rachbam , de Yits‘haq ben Méir , alias Ribam , et de Ya‘aqov ben Méir , dont le surnom de Rabbeinou Tam a acquis une vaste renommée.

A la formule : « Depuis le précédent Yom kippour jusqu’à celui-ci… », rabbi Méir ben Chemouel a substitué : « A partir du présent Yom kippour jusqu’au suivant… » Ce changement a eu pour effet d’écarter l’exonération a posteriori de l’exécution des vœux prononcés pendant l’année écoulée, et d’en faire une exonération a priori de ceux que, prononcés dans l’année à venir, l’on ne pourra pas exécuter ou que l’on oubliera.

A l’appui de cette modification, rabbi Méir ben Chemouel s’est appuyé sur la Guemara Nedarim 23b qui dispose que celui qui veut annuler par avance les vœux qu’il prononcera dans l’année doit déclarer, au début de celle-ci : « Tout vœu que je prononcerai dans l’avenir sera nul. »

Il va cependant de soi que cette annulation par anticipation, qui n’a de valeur selon la Guemara que si l’on s’en souvient au moment du vœu, est sans effet sur les serments et engagements envers les tiers.

Le changement introduit par rabbi Méir ben Chemouel a été accepté dans les communautés de rite achkenaze, et rejeté par celles de rite séfarade. Il arrive cependant que les deux versions soient présentées l’une et l’autre dans certains livres de prières.

Jacques KOHN zal’