Vous serez saints! (19, 2)

Pour le Ramban, nous ne pouvons respecter dûment cette injonction en nous préservant simplement des relations illicites énumérées dans la section précédente, contrairement à ce que semble indiquer Rachi. Il faut, pour se «sanctifier» véritablement, s’imposer consciemment et volontairement des limites, et adopter un style de vie décrit par les Sages du Talmud comme la perichouth, littéralement: «séparation».

Le Ramban explique ainsi la nécessite de telles restrictions: D’une part, la Tora nous interdit les relations incestueuses et certaines nourritures. D’autre part, elle autorise les rapports intimes entre époux, ainsi que la consommation de vin et de viande. Ainsi, ce ne sont pas les actes mêmes qui sont interdits. Ce sont plutôt la manière et les circonstances selon lesquelles ils sont effectués qui établissent la proscription. Si l’homme ne se sanctifie pas en développant une discipline fondée sur la restriction, il finira par devenir vorace et licencieux – tout en restant dans les limites du «permis». Même sans transgresser les commandements de la Tora, sa conduite se situerait fort loin de l’état auquel ils sont censés le mener. Dans l’optique de nos Maîtres, un tel homme est considéré comme un naval bi-rechouth ha-Tora¸ à savoir: «un homme licencieux [agissant] avec l’autorisation de la Tora»…

C’est pourquoi, après avoir énoncé les actes ou objets intrinsèquement interdits, elle nous somme de ne pas abuser de ce qui est licite.

Vous serez saints! (19, 2)

Interprétation du Talmud (Yevamoth 20a): «Sanctifie-toi dans ce qui t’est permis.»

Rav Yerou‘ham Leivovitz, le Machguia‘h de Mir, explique ainsi cet enseignement: «Un médecin m’a dit que les personnes faibles devraient s’abstenir de boire du café, et que si cela leur est difficile, il en existe une sorte qui ne présente pas de contre-indication. Ayant eu l’occasion de voir cette variété, quelle ne fut pas ma surprise en constatant que son aspect était absolument identique à celui du café que je connaissais, jusque dans sa mouture. Sa spécificité – imperceptible à l’œil nu – tient à ce qu’il a été décaféiné, après quoi il devient permis aux faibles constitutions. Car s’il est nocif pour certains, c’est uniquement en raison de la caféine qu’il recèle. Dès lors qu’il s’en trouve débarrassé, il ne présente plus d’inconvénient.

«De la même manière, nous pouvons comprendre l’explication du Ramban sur la section Qedochim, selon laquelle, pour accéder à la sainteté, nous devons nous “séparer” de ce qui est permis en lui établissant des limites. D’une part, la Tora a prohibé certaines unions, nourritures et autres. D’autre part, elle a permis les relations entre mari et femme, et la consommation de nombreux aliments, si bien qu’en outrepassant ses droits, chacun peut rapidement devenir un naval bi-rechouth ha-Tora¸ un homme licencieux agissant dans le cadre autorisé par la Tora. C’est pourquoi celle-ci nous a enjoint: “vous serez saints!” Autrement dit, sachez mettre des limites même pour ce qui est permis.

«La différence entre “avant la faute” et “après” ne se situe pas dans l’objet interdit, qui demeure exactement le même. Simplement, alors qu’il était au départ “sans caféine” – sans composante nuisible – il est devenu, sous l’effet du péché, fortement “caféiné”.

«C’est précisément sur ce point que la Tora attire notre attention. Il nous incombe de nettoyer chaque chose, de la débarrasser de ses moindres scories, d’en retirer la “caféine”, afin qu’elle se maintienne constamment dans un cadre de pureté. A cette fin, elle nous a interdit ce qui, présentant une forte teneur en “caféine”, ne peut être assaini. Mais après cela, à nous d’épurer également ce qui est licite, de savoir nous modérer afin qu’il ne recèle aucune trace de cette substance nocive…»