La Haftara de cette semaine nous décrit les dernières années du roi David en débutant par le premier verset du Livre des Rois : « Le roi David était vieux, chargé de jours (…) ». Or, cette expression est précisément celle que l’on retrouve dans notre paracha concernant Avraham : « Et Avraham était vieux, chargé de jours ».

Le rapprochement entre cette section de ‘Hayé Sara et celle du prophète ne s’arrête pas là puisqu’en réalité, c’est tout au long de notre paracha qu’on fait l’éloge de l’âge avancé de différents personnages. Ainsi, peut-on y lire tout au début que Sarah vécut de longues années, qu’Eliézer est désigné comme le « serviteur et l’ancien de la maison » d’Avraham et l’on apprend aussi qu’Ichmaël qui, selon la tradition, se repentit dans ses vieux jours, a atteint l’âge honorable de 137 ans. Ainsi, cette paracha est clairement marquée du sceau de la vieillesse et de la noblesse des « jours avancés » (d’après Peri Tsadik, ‘Hayé Sarah, 8).

De fait, nos Sages nous révèlent que si l’hébreu désigne le vieillard par le mot « zaken », c’est pour nous révéler l’essence même de cette étape de la vie, puisque les lettres de ce vocable forment l’acronyme « zé kana ‘hokhma » – une personne ayant acquis la sagesse, (voir Traité talmudique Kiddouchin page 32/b et Rachi sur place).

Alors comment explique-t-on le fait que la vieillesse puisse ainsi représenter le symbole de la sagesse ? Au-delà du fait que cet adage ne désigne de toute évidencce pas les « vieillards incultes qui, en vieillissant, perdent davantage leur esprit » (Michna traité Kinnim), pourquoi considère-t-on que c’est à mesure que son âge avance que l’homme acquiert la vraie sagesse ?

La réponse réside peut-être dans une explication du Maharal de Prague concernant ce passage bien connu de la Haggada de Pessa’h : « Et même si nous étions tous érudits, tous sages, tous des anciens et que nous connaissions tous la Torah, nous serions pourtant tenus de raconter la sortie d’Égypte ». Comment donc expliquer ce classement, allant manifestement en gradation et sugggérant que celui qui « connaît la Torah » est plus sage encore que l’érudit ou que l’ancien ?

C’est que la plus grande des sagesses, explique le Maharal, réside précisément dans l’expérience et dans le vécu. Les grandes doctrines et les plus belles théories, aussi élaborées et afinées soient-elles, n’apporteront néanmoins jamais à l’homme ce discernement lumineux, évident, authentique qui anime la personne ayant expérimenté ses enseignements théoriques dans la vie quotidienne.

A cet égard, c’est effectivement dans l’ordre chronologique que « l’érudit » de la Haggada accède ensuite à la « sagesse » qui se parfait elle-même à l’âge de « l’ancienneté », et après laquelle l’homme peut déclarer – du fait de toute son expérience accumulée lors des nombreuses années écoulées – qu’il « connaît la Torah » ! A tous les niveaux – que ce soit à l’échelle de l’individu, de la communauté ou au sein d’un organe d’information -, l’expérience est sans nul doute ce qui permet à chacun d’accéder à une meilleure maîtrise dans son domaine respectif afin de toujours parfaire davantage la qualité de ce qu’il a à offrir au monde.

Y. Bendennoun, Hamodia Edition Francaise