C’est dans notre paracha qu’il est fait mention pour la première fois de la mitsva d’enterrer les morts, comme il est dit : « Sarah mourut à Kiriat Arba (…) Avraham y vint pour dire sur Sarah des paroles funèbres et pour la pleurer. Avraham ayant rendu ce devoir à son mort, il alla parler aux enfants de ‘Hèt en ces termes : « […] accordez-moi la propriété d’une sépulture au milieu de vous que j’ensevelisse ce mort qui est devant moi » » (Béréchit 23, 2-4).

En réalité, il existe un Midrach (Yalkout Chimoni 4, 38) qui enseigne qu’après le meurtre d’Hével assassiné par Caïn, Adam et ‘Hava se tenaient interdits devant la dépouille de leur fils, ne sachant pas ce qu’ils devaient faire. Assistant à leur désarroi, un corbeau qui venait lui-même de perdre l’un des siens décida alors de leur montrer comment procéder.

Il se saisit de son congénère, creusa dans le sol et l’ensevelit. Adam s’exclama alors : « Nous allons agir comme ce corbeau ! » Il prit la dépouille d’Hével et l’enterra. Le Saint béni soit-Il récompensa alors le corbeau pour son acte. Quand ses petits viennent au monde, ils sont blancs. Croyant alors qu’il s’agit du petit d’un serpent, le couple de corbeaux s’enfuit, laissant sa progéniture se débrouiller seule. L’Eternel subvient alors aux besoins des oisillons, comme il est dit : « Qui prépare au corbeau sa pâture, quand ses petits crient vers D.ieu ? » (Yov 38, 41). Mieux, lorsqu’ils réclament la pluie pour la terre, le Saint béni soit-Il leur répond, comme il est dit : « Il donne leur pâture aux bêtes, aux petits des corbeaux qui la réclament » (Téhilim 147, 9).
Mais la mitsva d’enterrer les morts et de procéder à l’oraison funèbre n’est pas comptée comme une mitsva à part entière. Elle doit en fait être rangée sous une mitsva positive plus générale à laquelle elle se rattache et qui stipule : « VéHalakhta biDerakhav – Tu marcheras dans Ses voies » (Devarim 28, 9 ; voir Séfer haMitsvot, mitsva 611). Car, comme l’explique le Traité talmudique Sota (p.14/b), il revient aux hommes d’imiter les comportements de l’Eternel. Or, de même que D.ieu rend visite aux malades, on rendra visite aux malades ; de même qu’Il enterre les morts, comme il est dit : « Il [D.ieu] l’ensevelit [Moché] dans la vallée du pays de Moav… » (Devarim 34, 66) on enterra les morts, etc. 
Enterrer un mort est donc considéré comme un acte qui relève à proprement parler de la générosité envers les créatures de D.ieu. Une action charitable qui, parce qu’elle ne saurait rien attendre en retour de celui qui en bénéficie, porte dans notre tradition le titre de « ‘héssed chel émet », un acte de bonté véritable. 
L’ensevelissement des corps répond par ailleurs à un ensemble de lois qu’on ne pourra pas résumer dans ces quelques lignes (on se rapportera pour cela au livre du rav Its’hak Attali : « Un pont vers la vie », Editions Or Israël). Rappelons seulement que le respect dû aux morts oblige à ce que l’on fasse tout ce qui est en notre pouvoir pour procéder à l’enterrement dans les plus brefs délais. On évitera donc d’en retarder l’échéance sauf si, de cette manière, ce report aura pour conséquence d’augmenter les hommages rendus au défunt, quand il s’agit par exemple de permettre aux membres de la famille d’être présents lors des funérailles. Dans le même ordre d’idée, il est permis de transporter le corps du défunt de l’étranger vers la terre d’Israël, et jusqu’à Jérusalem. Pour certains (voir par exemple, « ‘Héssed léAvraham » 3, 19), il s’agit même d’un acte digne de louanges.

Des quatre extrémités de la terre au Gan Eden

Voilà ce que le rav Ichaya Horowitz, l’auteur du « Chné Lou’hot haBrit » (paracha ‘Hayé Sarah, « Torah Or », 1) écrit à ce propos : le sens profond de l’enterrement répond à ce verset : « Ki afar ata véel afar tachouv – Car poussière tu es, et à la poussière tu retourneras » (Béréchit 3, 19). En effet, l’existence du premier homme (Adam haRichon) provient de la poussière de la terre, comme l’ont enseigné nos Sages : « D.ieu ayant pris une motte de terre du lieu de l’autel des sacrifices (mizbéa’h), Il créa avec elle le premier homme, comme il est écrit. Il est dit en effet d’une part : « D.ieu confectionna l’homme à partir de la poussière de la terre » (Béréchit 2, 7), et d’autre part : « Tu Me feras un autel des sacrifices en terre (mizbéa’h adama) » (Chémot 20, 24). De même que la terre se rapporte là à l’autel des sacrifices (mizbéa’h), ainsi en est-il ici » (Talmud de Jérusalem, Traité Nazir 2, 1).

Or, si le corps d’Adam haRichon contient en lui la terre du monde entier, c’est parce qu’en tout endroit où l’être humain décèderait, la terre puisse recevoir sa dépouille (voir Rachi sur le verset Béréchit 2, 7 et Traité Sanhédrin, p.38/b). Mais par ailleurs, cette terre est celle du lieu où reposerait plus tard l’autel des sacrifices, c’est-à-dire la terre du Mont du Temple à Jérusalem. Car, comme cela est rapporté dans le Traité Yoma (p.54/b), ce lieu se trouve être au fondement de l’ensemble de l’univers physique. Cette contradiction apparente entre les quatre extrémités de la terre, matière première du corps adamique, et sa localisation précise comme composant de l’autel des sacrifices, peut être résolue ainsi. De même que de leur vivant, les êtres humains sont comme les ramifications du premier homme, lorsqu’après leur décès, ils retournent à la terre dont ils sont issus, ils ne se séparent pas pour autant de leur unité originelle. Au contraire, revenant en tout lieu à l’essence matérielle – la terre – d’où le premier homme tire son existence, les hommes renouent simultanément avec sa réalité spirituelle, l’autel des sacrifices, Jérusalem. Le retour à la profondeur de la terre serait même en définitive une renaissance à la réalité adamique originelle et à sa hauteur (voir Rabbénou Ba’hya, ‘Hayé Sarah 23, 2).

Voilà pourquoi Avraham Avinou désirait tant enterrer Sarah là où Adam et ‘Hava avaient trouvé sépulture, à ‘Hévron, dans le Caveau des Patriarches (Mé’arat haMakhpéla). Car c’est là précisément que se trouve la porte du Jardin d’Eden, le lieu où les mondes spirituels et matériels se rejoignent, comme ce pli le long duquel la réalité se ramasse et se déploie en même temps. Le texte du Zohar enseigne en effet : « Avraham sut grâce un signe que la grotte de Makhpéla devait être l’endroit où Sarah et lui seraient ensevelis (…). Il y était en effet déjà pénétré au préalable, le troisième jour de sa mila, et vit qu’Adam et ‘Hava s’y trouvaient enterrés. Et comment comprit-il qu’il s’agissait effectivement d’Adam et ‘Hava ? Avraham avait aperçu la figure (tsoura) d’Adam haRichon, c’est-à-dire son âme (néfech) qui reposait dans la tombe au-dessus de ses ossements. Or, alors qu’il s’attardait à sa contemplation, une porte s’ouvrit qui donnait sur le Jardin d’Eden. La figure d’Adam se tint alors à ses côtés, à l’entrée du Jardin d’Eden. C’est à ce moment qu’Avraham comprit que l’âme qui s’était tenue au-dessus du cercueil était bien celle d’Adam haRichon. Voilà pourquoi Avraham désira tant que Sarah et lui aient leur sépulture dans cette grotte » (Zohar, ‘Hayé Sarah, p.127/a). Par Yehouda Ruck, avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française