A l’époque d’Antiochus Epiphane, au 4e siècle avant l’ère vulgaire, les dominateurs grecs voulaient empêcher les Juifs de pratiquer la Thora. Des centaines de Juifs furent assassinés, les jeunes femmes étaient systématiquement violentées. Et c’est alors que certains décidèrent d’agir.


Les Juifs non hellénisants résistèrent et partirent dans une bataille totalement inégale : quelques Cohanim (prêtres) prirent les armes pour défendre la spiritualité d’Israël contre la super puissance grecque. Le miracle fut la victoire inattendue des Juifs.

L’invasion de la Terre d’Israël par les Grecs a été suivie par l’émission de décrets visant à empêcher les Juifs de pratiquer leur religion. Les Juifs se sont vus interdire d’observer le chabbath et les fêtes, de pratiquer la circoncision, et de respecter les lois de pureté familiale.

On leur infligea des interdictions, mais également des obligations : chaque Juif devait écrire sur la corne de son b?uf : « Nous n’avons aucune part au D.ieu d’Israël ».

Ce décret plongeant le judaïsme dans une obscurité totale (cf. Midrach Raba, début de Berechit commentant ainsi le verset:

«L’obscurité était au dessus de l’abîme»1;2)

Que signifiaient ces décrets ? Quels sens avaient-ils pour les Grecs ?
Un modèle de réussite

Pour le peuple juif, le but de l’homme sur terre est de vivre selon un système de valeurs humanistes ainsi que métaphysiques, qui exigent de l’homme une certaine transcendance, alors que les Grecs cherchaient au contraire à cultiver au maximum les capacités physiques et les valeurs naturelles, en proposant un autre système moral. La polémique entre le peuple juif et la Grèce tenait dans leurs conceptions respectives du but et de la finalité de l’humanité.

En interdisant des mitsvots qui touchaient à tous les domaines de la vie, les Grecs ont tenté d’empêcher les Juifs de vivre dans le système de valeurs qui leur était propre.

Quant à l’inscription obligatoire sur les cornes de b?ufs, Rachi, dans son commentaire sur le Midrach, explique que les Grecs font ainsi allusion à un autre bovin, le veau d’or, et la faute qu’il symbolise.
Le veau d’or

La faute du veau d’or a été commise au pied du Mont Sinaï, au moment où le peuple juif est parvenu à la plus grande élévation spirituelle jamais atteinte. En effet, le peuple juif a assisté collectivement au dévoilement de D.ieu, atteignant ainsi la prophétie. Nos Sages expliquent cette faute par le besoin ressenti par le peuple de trouver un dirigeant concret et visible, après que Moïse ne soit pas revenu du Mont Sinaï.

La Grèce y a vu l’incapacité humaine de vivre dans un système totalement transcendant, et la preuve flagrante de la nécessité d’un système physique et naturel.

S’appuyant sur la faute du veau d’or, la Grèce a voulu montrer par ses décrets que notre peuple était incapable de vivre une vie métaphysique, puisqu’au moment le plus exalté de son histoire, il n’y est pas parvenu. Si le peuple Juif, qui se considère comme l’élite dans ce domaine n’y parvient pas, c’est donc la preuve que ce système ne convient pas non plus à l’humanité dans son ensemble.

Dans la mesure où chaque société tente de créer, puis d’imposer au monde un modèle de perfection humaine, la lutte entre la transcendance juive et les autres philosophies est intense. Aujourd’hui, les Etats-Unis n’imagine pas d’autre idéal qu’un homme riche, puissant, décidant de son sort, gardant des valeurs puritaines, alors que l’Europe a érigé un système de valeurs humanistes, basé sur des lois sociales, avec une tendance marquée pour un mode de vie épicurien.
Une vie idéale

La réponse du peuple juif à cette lutte engagée par les Grecs, fut le dévouement des Maccabim, qui ont prouvé leur foi totale dans les valeurs juives, allant jusqu’à se sacrifier pour elles corps et âme.

L’allumage des lumières de ?Hanouka signifie que le peuple juif continue à exprimer sa foi profonde dans son D.ieu et dans la sainteté de la Thora. Au vingt-et-unième siècle, ce message est d’une actualité frappante. Malgré les progrès gigantesques fait par la science, on assiste à une dégénérescence morale préoccupante.

Par nos lumières, nous affirmons que la Thora est seule à proposer une vie idéale. En observant la circoncision, nous transcendons le corps humain ; par le chabbath et les fêtes, nous sanctifions la notion de temps ; par la pratique des lois de la pureté familiale, nous donnons un autre sens, plus profond, à la vie de famille. Tous ses actes rituels apportent une dimension nouvelle à la vie.
Le secret de la Grèce

Mais pourquoi est-ce les grecs qui ont incarné des valeurs si opposées à la Thora ? Car il fallait un certain « mérite » et une certaine carrure pour pouvoir s’opposer à la Sagesse absolue qu’est la Thora.

A la suite de la conduite respectueuse de Japhet envers son père Noé, ce dernier donna à son fils la bénédiction de « résider dans les tentes de Sem ». Nos Sages (Méguila 9b) expliquent que l’une des conséquences de cette bénédiction fut que le Sefer Thora, selon l’opinion de Raban Chimon ben Gamliel, peut être écrit en grec, comme il peut l’être en hébreu. Maïmonide précise cependant qu’il s’agit du grec ancien, le grec en usage à son époque ayant subi trop de mutations.

Etonnante décision de la Thora, qui rend « cacher » un Sefer Thora écrit en grec?

L’humanité évolue dans un système où plusieurs options lui sont proposées. Pour que l’homme garde son libre-arbitre, la nécessité de placer l’homme devant un choix entre les forces du bien et du mal rend inévitable un équilibre parfait entre elles.

Notre sainte Thora, expression de la sagesse divine, fascine ceux qui en pénètrent les profondeurs, d’où la nécessité de proposer à l’homme une alternative qui puisse paraître rivaliser avec elle. Par sa conduite, Japhet a mérité que les Grecs, ses descendants, soient ceux qui portent le flambeau de la science humaine, et cherchent à rivaliser avec la sagesse divine de la Thora.
Révélation divine

A l’époque du Premier Temple, le peuple juif était essentiellement tenté par l’idolâtrie, alors qu’à celle du Deuxième Temple, c’est l’hellénisme surtout qui l’attirait. Ces différences sont-elles seulement liées aux époques où elles se sont exprimées ?

Le Talmud (Yoma 69b) rapporte qu’Ezra le scribe, reconstructeur du Deuxième Temple, réussit, en organisant une prière collective à laquelle participa l’assemblée des grands d’Israël et le peuple, à obtenir que l’intensité de l’attrait pour l’idolâtrie soit atténuée. Ils surent qu’il était exaucé en voyant un lion de feu sortir du Saint des Saints, dans le Temple. Par conséquent, elle ne représenta plus une tentation à l’époque du Deuxième Temple.

L’époque du Premier Temple fut caractérisée par une révélation divine intense, qui nécessitait en contrepartie une profonde connaissance des forces spirituelles régissant le monde. Cette connaissance, comme l’explique Maïmonide, entraîna le peuple juif à s’attacher à ces forces disparates. Familiarisés avec les différentes sources de puissance dans la nature, les Juifs en vinrent à les adorer.

Le Deuxième Temple étant marqué par la disparition de la prophétie, D.ieu ne se dévoile plus à l’homme de façon manifeste. Notre approche du divin se fait alors par l’étude de Ses commandements de Sa parole. Les tentations du peuple juif se portent alors, avant tout, sur les études scientifiques, essentiellement grecques à l’époque, qui prétendent être un message de vérité pour l’humanité, au détriment de la sagesse divine qui s’exprime dans la Thora.

La lutte entre les Grecs et le peuple juif se résume à une guerre entre une conception physique et métaphysique du monde.

Quand des hommes sont prêts à se sacrifier pour leurs convictions, et qu’une poignée de saints et d’érudits parviennent à vaincre une armée nombreuse de soldats entraînés, cela prouve l’authenticité de leurs valeurs spirituelles. Là réside l’essence du monde et sa réalité. Comme il est mentionné dans la prière de la Amida pendant les jours de ?Hanoukka :

« Mais Toi dans Ta grande miséricorde Tu les as assisté au temps de leur détresse, Tu as lutté leur lutte, Tu as jugé leur jugement, Tu as vengé leur vengeance, Tu as livré les forts au mains des faibles, les nombreux aux mains des peu nombreux, les impures aux mains des impurs, les méchants aux mains des justes et les arrogants aux mains de ceux qui aimaient la Thora. »

En remportant cette victoire inattendue, le peuple juif prouva que le spirituel régit le monde et décide, sans qu’on s’en aperçoive toujours, des contingences physiques.

C’est sans doute en cela que réside le véritable miracle de ‘Hanoukka.

L’Empire et la société grecs ont disparus depuis longtemps.

Le peuple juif, malgré un exil de deux mille ans, des spoliations, des pogroms, la Shoah, est toujours présent, vigoureux, actif, ayant un rôle prépondérant sur la scène mondiale, toujours représentant des valeurs spirituelles et universelles de l’humanité, le peuple du livre.Par le Rav Chalom Bettan de la yéchiva Daat Haim