On ne peut pas arriver aux Jours Redoutables sans préparation adéquate.

Le Rabbi de Zanz, le Divré ‘Haïm, l’expliquait par une belle paraboleDeux servantes étaient employées dans des maisons voisines. L’une était intelligente et efficace, l’autre stupide mais tout aussi diligente. En quoi donc étaient-elles différentes ?

La première travaillait dur toute la journée mais, le soir arrivé, bien qu’elle fût fatiguée, elle n’allait pas se coucher sans avoir préparé les tâches du lendemain. Elle déposait le bois de chauffage près de l’âtre pour qu’il sèche, tamisait la farine et rangeait la pièce. Elle ne se retirait pour la nuit que lorsque tout était prêt. Le lendemain, de bon matin, elle allumait le feu avec le bois sec, pétrissait la pâte et, pendant que celle-ci levait, elle disposait le couvert. Elle cuisait ensuite le pain de sorte que, lorsque le maître de maison rentrait de la prière, il trouvait une douce chaleur, du pain cuit à point et la table mise.

La seconde servante, une fois sa journée de travail terminée, allait tout de suite se coucher. Le lendemain, lorsque le maître de maison se rendait à l’office, elle allait chercher du bois au hangar. Les bûches étant mouillées, allumer le feu prenait beaucoup de temps et lorsqu’elle y parvenait, la pièce s’emplissait en général d’une épaisse fumée. Elle s’empressait de tamiser la farine et de pétrir la pâte. Le maître de maison était entre-temps de retour ; il prenait place devant une table vide, affamé et suffoqué par la fumée. Ne pouvant se permettre de laisser la pâte lever, la servante l’enfournait directement dans le four à peine chaud. C’est évidemment du pain dur et insuffisamment cuit qu’elle servait à son maître. Ce dernier, fort mécontent, la réprimandait chaque jour en la comparant, à son grand dépit, à la servante des voisins. “Comment !” protestait-elle, “Je me donne plus de peine qu’elle ! Je me presse plus qu’elle le matin et allumer le feu m’a pris beaucoup de temps.”

Ainsi en est-il des Jours Redoutables ! L’homme ne peut s’y préparer le jour même de Roch Hachana sous peine de ressembler à cette servante sotte et mal organisée. Heureux quiconque s’y prend à temps et arrive, le mieux préparé possible, au Jour du Jugement. Son cœur sera ouvert à la sainteté de ce Jour et son “Patron” sera satisfait de son service.

(Darkei ‘Haïm)

Pourquoi le Chofar n’a-t-il pas produit d’effet ?

Dans le même sens, le Maguid de Lublin expliquait la suite d’interrogations contenues dans ce verset des Prophètes : “Un piège surgirait-il de terre sans qu’il y ait de prises ? Est-ce possible que le choffar retentisse dans la ville sans que le peuple ne tremble ? Deux personnes peuvent-elles marcher ensemble sans se rencontrer ?” En fait, le prophète cherche la réponse à une seule question : puisque le choffar a le pouvoir de troubler le Satan, d’éveiller la clémence divine et de transformer la justice en miséricorde, tout le monde devrait être inscrit dans le Livre de la vie ! Or, nous sommes témoins de tant de tragédies. Tant de personnes s’appauvrissent, tombent malades, et sont frappées par le sort ! Comment cela est-il possible ? Elles ont pourtant entendu le son du choffar, ségoula qu’elles ont mis à profit. “Un piège peut-il sortir de terre sans faire de prises ?” Pourquoi la ségoula n’a-t-elle pas eu d’effet ?

Le verset qui suit répond à cette question : “Est-il possible que le choffar retentisse dans la ville sans que le peuple ne tremble ?” Nos Sages disent (Baba Bathra 16a) que toutes les forces du mal agissant dans le monde ont une seule origine : le Satan, c’est le mauvais penchant, c’est l’ange de la mort. Il descend et incite l’homme à pécher, puis il remonte et l’accuse : enfin il redescend pour lui prendre son âme.” Cela signifie que la faute, l’accusation et le châtiment ne font qu’une seule et même chose.

On comprend donc que la capacité du choffar de confondre le Satan accusateur n’est pas une simple ségoula. La sonnerie a pour premier objectif de troubler le Satan qui réside dans le cœur de l’homme. Le choffar doit affaiblir notre yétsèr hara. Et lorsque, pénétré par la crainte du Jugement, l’homme soumet son mauvais penchant ici-bas, le pouvoir du Satan s’annule dans le tribunal céleste et, par voie de conséquence, le châtiment perd sa raison d’être puisque le yétsèr hara, le Satan et l’ange de la mort ne font qu’un.

C’est ce que dit le verset : “Un piège surgirait-il de terre sans qu’il n’y ait de prises ?” Comment cela est-il possible ? Le choffar a effectivement retenti mais le peuple n’a pas tremblé…

Pourquoi en est-il ainsi ? Le troisième verset nous l’indique : “Deux personnes peuvent-elles marcher ensemble sans se rencontrer ?”

On sait qu’une bougie ne s’enflamme facilement que lorsqu’elle a été préparée. Ainsi en est-il de la crainte dans le cœur de l’homme comme l’atteste le verset : “Mon cœur frémit en mon sein – le feu s’allume dans ma pensée” (Psaume 55). “Heureux est l’homme qui vit dans la crainte” disent les Proverbes (28) car si la crainte habite le cœur d’un homme, il s’enflammera facilement.

Cela ressemble au voyage de deux personnes empruntant la même route. A deux, le chemin semble plus agréable, plus court et plus rapide, mais cela n’est vrai qu’à condition que les deux voyageurs aient fait connaissance auparavant afin que chacun n’aille pas seul de son côté, comme deux étrangers.

Ainsi le prophète répond : vous demandez pourquoi le choffar n’a pas produit l’effet escompté dans les sphères célestes ? C’est parce qu’il n’a pas eu d’abord d’impact sur votre cœur. Et pourquoi donc ? Parce que vous ne vous êtes pas suffisamment préparés pendant le mois d’Eloul. Vous n’avez pas apprêté la mèche afin qu’elle s’allume. Vous n’avez pas fait connaissance, à l’avance, avec la crainte du Jugement. Et, donc, le grand Jour venu, cette crainte vous était étrangère et n’a pas pu pénétrer votre cœur…

(Ohel Ya‘aqov)
Extraits de « Paraboles sur la période d’Eloul, Roch Hachana et Yom Kippour »
Compilées et rédigées par Chalom Méir Wallach
Traduction de l’hébreu : Esther Meyer
Editions Daath