“Comment parvenir à nous éveiller, en cette période d’Eloul, au repentir, à l’introspection et à la multiplication des mitsvoth ?” demandait le Maguid de Doubno.

En effet, disait-il, pourquoi ne tremblons-nous pas réellement à l’approche du Jour du Jugement. Ne savons-nous pas pertinemment que le sort de tous les êtres va être bientôt scellé et que tout dépend de nos actes ?

Dans ce monde, combien de souffrances, de malheurs, de tragédies ont-ils été décrétés lors du précédent Roch Hachana à cause de nos péchés ! Nos Sages nous disent bien (Chabbath 55) qu’il n’y a pas de souffrance sans faute ni de mort sans péché. Si nous prenons conscience que tous les événements tristes de l’année en cours ont été décrétés à Roch Hachana et à Yom Kippour, comment pouvons-nous aborder les Jours Redoutables l’esprit tranquille ?

Un verset nous donne la raison de cette indifférence : “il n’y a pas de sanction immédiate à une mauvaise action, c’est pourquoi le cœur des hommes désire faire le mal” (Kohélèth 8). Si, dès la fin du Jour du Jugement, les humains étaient immédiatement jetés en prison dans l’attente de l’application de la sanction du Tribunal céleste – mort, maladie, exil, pauvreté, souffrances – tout le monde ne tremblerait-il pas ? Et pourtant, voilà bien ce qui se produit : le monde est effectivement une grande prison puisque nous sommes tous dans les mains de Dieu ? Cependant, apparemment du moins, la vie suit son cours, tout le monde vit son train-train journalier et les malheurs, à Dieu ne plaise, s’étalent au long de toute l’année et surviennent immanquablement au moment qui a été déterminé. Lors de l’épreuve, nous ne faisons pas le rapprochement entre l’événement vécu et le Jugement scellé au début de l’année.

C’est la raison pour laquelle, la veille de Roch Hachana, nous ne sommes pas aussi anxieux que nous devrions l’être et notre crainte du Din n’est pas aussi intense qu’elle le devrait.

Qu’est-ce qui pourrait, dans ce cas, nous éveiller à la crainte du Jugement ? Il nous suffira de nous remettre en mémoire les événements douloureux de toute l’année passée. Ce n’est pas chose facile car l’oubli a laissé s’estomper de nombreux faits. Concentrons-nous donc plutôt sur ce qui se passe actuellement autour de nous, sur les faits les plus récents et rappelons-nous qu’ils ont été décidés pendant le Roch Hachana précédent. Cela nous aidera peut-être à nous imprégner réellement de la crainte du Jugement. Cette idée est déduite du verset (Devarim 4/30) : “Dans ta détresse, quand tu auras essuyé tous ces malheurs à la fin des jours – c’est-à-dire à la fin de l’année – tu reviendras vers l’Eternel ton Dieu !”

A quoi cette situation peut-elle être comparée ? A celle d’un important grossiste qui employait deux agents. L’un achetait de la marchandise dans les foires. Le second l’écoulait en la vendant à de petits commerçants. En fait, le premier n’achetait pas toujours de la marchandise de premier choix ; les petits commerçants s’en plaignaient donc au second agent. Cela rendait la tâche très difficile au représentant mais que faire ? Il n’avait jamais l’occasion de rencontrer son collaborateur et ne connaissait même pas son adresse. Un jour, pourtant, en entrant dans le magasin de son patron, il se trouva nez à nez avec son collègue qui venait de rapporter de la marchandise de la foire. C’était l’occasion ou jamais de régler ses différends avec lui et de donner libre cours à sa colère ! Il lui dressa la liste détaillée de tous les défauts de fabrication de la marchandise et le mit sévèrement en garde pour l’avenir.

Tout le monde souhaite qu’“avec l’année qui s’achève, prendront fin aussi les malédictions” décrétées lors du Roch Hachana précédent. Cependant, au moment où le malheur l’accable, l’homme ne pense pas toujours à faire le lien entre l’épreuve à laquelle il est confronté et les décrets fixés à Roch Hachana. Mais, les Jours Redoutables approchant, lorsqu’il “rencontrera” le Jour du Jugement, les événements récents auxquels il a dû faire face l’éveilleront certainement à redouter la Justice divine et à se repentir. Comme le disent nos Sages : “La pénitence et les bonnes actions forment un volet protecteur contre le châtiment.” (Avoth 4, 10)

(Ohel Ya‘aqov, Vaéth‘hanane)
Extraits de « Paraboles sur la période d’Eloul, Roch Hachana et Yom Kippour » Compilées et rédigées par Chalom Méir Wallach
Traduction de l’hébreu : Esther Meyer
Editions Daath