C'est dimanche 30 janvier que les Juifs de Marseille désigneront le prochain président de leur communauté. A l'issue d'une campagne difficile marquée ,ces derniers jours, par un article incendiaire en premiere page de "La Provence," les 7000 membres du Consistoire marseillais devront choisir entre le président sortant Zvi Ammar qui brigue un troisième mandat et son challenger le président du Centre Fleg le Dr Hagay Sobol. Hamodia a donné la parole aux deux candidats et revient sur l'émotion provoquée par l'article de "La Provence".

Nous sommes des rassembleurs autour de la Torah 

A 52 ans, Zvi Ammar brigue un troisième mandat de président du Consistoire de Marseille. Celui qui a ses entrées auprès du gaon rav Ovadia Yossef se dit fier d'avoir redoré le blason de la Torah au cours de la dernière décennie à Marseille. Mais s'il se présente pour la troisième fois, c'est aussi pour « laver son honneur » à la suite des attaques dont il a été l'objet ces derniers mois. Dimanche 30 janvier, il tentera d'obtenir la confiance renouvelée de la communauté. Il se dit serein et confiant. 

– Hamodia : Tsvi Ammar, vous serez, le 30 janvier prochain, candidat à votre propre succession. Vous êtes aux commandes du Consistoire de Marseille depuis maintenant plus de onze ans. Qu'est-ce qui a changé dans la communauté juive de Marseille sous votre mandat ?
– Tsvi Ammar : Au cours des onze dernières années, nous avons œuvré dans de multiples domaines et, Barou'h Hachem, Marseille est devenue une véritable référence de réussite au sein de la communauté juive en France. Je puis vous citer une palette d'exemples : le Consistoire de Marseille est le seul à accorder des subventions au tissu associatif qui sont de l'ordre de 800.000 euros ! Nous donnons à 300 familles nécessiteuses, chaque jeudi matin, un panier de Chabbat d'un montant de 49 euros. Nous avons créé un restaurant du cœur qui fonctionne tous les jours, y compris le Chabbat, et est destiné aux plus nécessiteux. 
Une autre donnée impressionnante : je pense que nous sommes la seule communauté au monde à avoir multiplié par cinq le nombre de restaurants casher, puisque nous sommes passés de 9 à 47 restaurants ! Nous sommes passés de 11 à 17 écoles juives dans Marseille et sa banlieue. Nous avons environ 4 700 élèves scolarisés dans ces écoles et nous en sommes fiers car nous avons compris que le seul rempart contre l'assimilation était l'éducation juive. Et nous fournissons une aide conséquente non seulement aux écoles juives mais aux familles qui ne peuvent financer la scolarité de leurs enfants. Notre communauté a vu le nombre de ses synagogues augmenter en 11 ans de 32 à 52. Je pense que ces données suffisent à prouver la vitalité de notre communauté. Notre maître, le rav Ovadia Yossef, m'a dit qu'il était fier de ce qui avait été réalisé à Marseille. Et d'ailleurs, les rabbanim qui le rencontrent lui disent que la Torah est étudiée durant 24 heures sur 24 dans Marseille ! 

– Justement parlez-nous en particulier du monde de la Torah à Marseille.
– Il y a onze ans, le monde de la Torah était marginalisé. Aujourd'hui, c'est notre couronne. Nous avons, au cours des onze dernières années, œuvré afin de valoriser la Torah et ceux qui l'étudient. Nous avons d'excellentes relations avec l'ensemble des 66 rabbanim qui dirigent le monde de la Torah à Marseille. Nous aidons plusieurs institutions de Torah et en particulier celle créée par le grand rabbin Réouven Ohana, le « Mercaz Halimoud » qui compte aujourd'hui près de 600 étudiants. Il y a, dans ce centre, des cours pour femmes et pour personnes âgées. Mais le point d'orgue de cette action, c'est la yéchiva Guevoa qui a été fondée par le rav Ohana, à l'initiative du Gaon Harav Aharon Leiv Steinman et du Admor de Gour, chlita, lors de leur visite à Marseille en mai 2007. Le Consistoire aide de manière conséquente cette structure car nous considérons qu'elle nous permet de répandre nos valeurs et notre patrimoine de Torah. Un mot encore : notre casherout, celle du Bet-Din de Marseille est reconnue par le monde 'harédi, ce qui est unique en France et cela est dû en particulier au prestige dont bénéficie notre Dayan, le rav Melloul qui a instauré un label de « Halak Bet Yossef ». Nous vendons de la viande cashérisée, ce qui facilite bien entendu la vie des ménagères et des familles. Ces résultats sont pour moi une véritable fierté. 

– Est-ce que ce courant nettement « 'harédi » que vous donnez à la communauté de Marseille est accepté par tous ? Qu'en est-il de ceux qui ne se reconnaissent pas dans cette tendance ?
– Il est vrai que cette approche n'est pas partagée par tous et qu'au sein de l'opposition, on me qualifie d'intégriste. Mais, dans l'ensemble, nous jouissons de l'estime et du respect de très nombreux Juifs marseillais qui ont compris que nous sommes des rassembleurs et que nous travaillons pour l'ensemble de la communauté et pas pour telle ou telle partie. C'est le cas, par exemple d'organisations qui œuvrent pour le souvenir de la Shoah et avec lesquelles nous travaillons en parfaite harmonie. Preuve en est : plus de 7 000 adhérents sont aujourd'hui membres du Consistoire et pourront voter dimanche aux élections, ce qui est bien plus que dans la communauté parisienne, qui est cinq fois plus importante. 

– Comment cette tendance orthodoxe est perçue auprès des autorités municipales et régionales?
– Je puis vous le garantir : un dirigeant communautaire qui est respectueux de notre tradition, de notre Torah et de nos mitsvot sera lui-même respecté par les pouvoirs publics. Mais ceux qui ne se reconnaissent pas dans la religion et bafouent nos valeurs ne sont pas véritablement respectés. Le rav Cha'h, zatsal, disait toujours qu'un dirigeant communautaire doit prendre soin de ne pas heurter les sensibilités des pouvoirs publics. Et c'est aujourd'hui encore notre devise. Il est vrai que nous revendiquons fièrement notre histoire et nos valeurs et nous avons les meilleures relations avec les pouvoirs publics. Je voudrais souligner également que ces bonnes relations se concrétisent lorsque nous parlons d'Israël, puisque j'ai le privilège d'organiser chaque année la visite en Israël de dirigeants locaux et régionaux tels que le maire Jean Claude Gaudin et les présidents des conseils généraux et régionaux. C'est aussi pour nous l'occasion d'exprimer notre solidarité indéfectible avec l'Etat d'Israël, avec lequel nous sommes si attachés. 

– Quelles relations entretenez-vous avec les Musulmans de Marseille ?
– Je dois souligner que nous avons d'excellentes relations avec les dirigeants de la communauté musulmane de Marseille, même si cette communauté est très divisée. Et cela se traduit par un nombre minimum d'incidents entre les communautés juives et musulmanes. 

– Après le bilan que vous venez d'exposer, quels sont les défis qui vous restent à relever ?
– Je veux d'abord dire que ces élections sont avant tout un test pour laver mon honneur qui a été sali par l'opposition au cours des derniers mois. On a dit au sein de cette opposition que la communauté n'avait plus confiance en moi. Je souhaite donc que la communauté s'exprime et nous avons donc agi afin qu'un maximum de Juifs marseillais puissent s'exprimer. Et nous verrons le résultat. Mais j'ai confiance en cette communauté et je suis serein. Le second point est qu'il y a encore beaucoup à faire dans la communauté de Marseille et je voudrais que ce mandat puisse être celui de la transition, du passage de relais à mes amis et collaborateurs plus jeunes. Je pense qu'il faut savoir passer la main en douceur et permettre à ceux qui partagent mon approche d'endosser la très lourde responsabilité communautaire. Etre président du Consistoire de Marseille, c'est une tâche à la fois passionnante et difficile. Cela ne s'improvise pas. 

 Pr Hagay Sobol

J’appelle au retour du Chalom et de l’unité

A la tête de la liste A.V.E.C (Association pour les valeurs éthiques de la communauté), Hagay Sobol est le seul adversaire de Zvi Ammar pour l’élection à la tête du Consistoire de Marseille. Né en Israël, ce militant communautaire de toujours, passé par les mouvements de jeunesse, le CRIF et le Fonds Social, dirige actuellement le Centre Fleg, le centre communautaire de la cité phocéenne. Professeur en médecine, ce père de quatre enfants, âgé de 51 ans, dirige également le service de génétique du cancer à l’Université de Marseille.

– Hamodia : Pourquoi êtes-vous candidat ?
– Hagay Sobol : Je veux avant tout apporter ma contribution à la pluralité. L’équipe actuelle est en place depuis deux mandats. Certains membres sont là depuis trois ou quatre mandats. C’est trop. Il faut du « sang neuf », un rajeunissement des cadres.
Nous constatons que la communauté est divisée comme elle ne l’a jamais été. On ne peut pas continuer comme cela. Ce que nous avons réussi au Centre Fleg où toutes les facettes de la communauté sont représentées, nous voulons le rééditer au sein de l’institution la plus importante du judaïsme : le Consistoire.
Il faut remettre le Consistoire au sein de la vie de tous les Juifs, aller chercher ceux qui sont loin et ceux qui sont proches. Nous avons tous une histoire en commun, qui n’est pas celle de quelques-uns, mais celle de tous. J’ai envie de défendre la communauté, sans exclusive.

– Quel est votre programme ?
– Si nous l’emportons, ma première mesure consistera à faire en sorte que le Consistoire réintègre ce qui est la voix politique de la communauté, c’est à dire le CRIF. A Marseille, la communauté s’exprime par deux organes différents : le CRIF et le Consistoire. Lorsque les politiques voient cela, ils comprennent que nous sommes divisés.
Ce besoin de Chalom et d’union doit également nous pousser à travailler en partenariat avec toutes les institutions de la communauté juive, et non en compétition. C’est vrai avec le Fonds Social, mais également avec le Consistoire Central. Depuis l’élection de Joël Mergui, contre lequel Zvi Ammar s’était présenté, les liens se sont distendus. Marseille ne peut pas être dos à la France !
Nous voudrions également constituer une conférence des présidents qui réunirait le Consistoire, le CRIF, le Fonds Social et le grand rabbin de Marseille. Si l’on veut travailler sur le social, l’éducation et la culture, chacune de ces institutions doit être le maillon indispensable d’une même chaîne.
Il faut également mettre en place un conseil des communautés dans lequel les trois synagogues consistoriales marseillaises et les cinquante qui ne le sont pas, ainsi que les communautés périphériques, travailleront ensemble pour définir un projet commun.
Nous avons, par ailleurs, conscience qu’une partie de la communauté juive de Marseille est très touchée par la crise économique. En collaboration avec des professionnels de l’alimentation, nous proposerons un « panier de la ménagère » cacher dans lequel dix produits de première nécessité seront proposés à prix réduits.

– Comment jugez-vous le bilan de l’équipe sortante ?
– Qu’on ne se méprenne pas, le point de départ de notre démarche relève du constat que le président a avancé la date de l’élection pour convenances personnelles, en lien comme il le dit lui-même avec sa situation judiciaire, à laquelle nous sommes totalement étrangers et que nous n’avons jamais utilisé à des fins électorales. Aujourd’hui, la violence des propos échangés, l’absence totale de débat et l’actualité récente avec cet article publié dans La Provence (voir notre article) remettent en cause le bon déroulement de la campagne. Lorsque je l’ai lu, j’ai été désarçonné. Je ne sais pas si ce qui est dit dedans est vrai ou pas. Si l’on voulait faire du tord à la communauté juive, on ne s’y prendrait pas autrement. Après mûre réflexion, je me dis qu’il n’est pas possible d’aller aux élections de cette manière. Je lance donc un appel solennel à mon adversaire, au grand rabbin de Marseille et à l’ensemble des autorités morales et religieuses de notre communauté, pour que les élections soient repoussées. Car la Communauté est comme fracturée. Elle doit d’abord se consolider, puis une fois apaisée aller à l’élection. Malheureusement, je suis certain que nous ne serons pas écoutés et que l’intérêt de quelques-uns primera sur celui de la Communauté. S’il y avait eu débat d’idées, nous n’en serions pas là. Désormais, les voix nombreuses s’élèvent pour demander un vrai débat entre les deux têtes de liste qui, on le sait, n’aura malheureusement pas lieu. Aussi, la liste AVEC est fière d’être le porte-drapeau de ces voix que certains ne veulent pas entendre. Nous serons là le 30 janvier pour représenter tous ceux qui désirent le changement dans le Chalom et pour le retour de l’unité. [en partenariat avec le journal  Hamodia]