Le Talmud dans ‘Haguiga (15b) et Moed Katan (17a) (et Yalkout Shimoni sur Mala’hi §589): « si le rav (l’enseignant) ressemble à un ange, recherche la Thora de sa bouche. S’il ne ressemble pas à un ange, ne recherche pas la Thora de sa bouche ».

Il ne faudra pas prendre cet enseignement ad litteram, sans quoi on se condamnerait à ne jamais trouver d’enseignant de Thora.
Rares sont ceux qui pourraient prétendre au titre.
Nous trouvons que le Talmud a daigné l’accorder avec beaucoup de parcimonie à Rabbi Yehouda Bar Ilay (Shabbat 25b) (et Tana Debei Eliahou Zouta §XVI ) et le Midrash (Dvarim Raba §XI, 10 et Yalkout Shimoni Dvarim §940) à Moshé Rabeinou et ( Yalkout Shimoni (Bereshit §161) ) à Rabbi Matia ben ‘Harash, on trouve aussi dans leTalmud (Nedarim 20) que tous les ‘ha’hamim sont comparés à des anges, ainsi que le Cohen Gadol selon le Yalkout Shimoni (Bereshit §XXXIV) ou encore tous les juifs à Yom Kippour (Yalkout Shimoni Vayikra §578).

Disons que les anges ne courent pas les rues.

Mais même si le Méiri (‘Haguiga 15b) semble limiter l’impact de ce conseil (si le rav ne ressemble pas à un ange, ne recherche pas la Thora de sa bouche… ) à un enseignant qui serait ‘kofer beémouna’ (voir encore Tana Debei Eliahou Zouta (fin de §XXII) sur un des élèves de Rabbi Akiva), et que le Rambam (Talmud Thora §IV, 1) indique simplement de ne pas apprendre la Thora d’un Rav qui ne se comporte pas bien, j’aurais tendance à me rapprocher du texte qui ne s’est pas contenté de dire «si l’enseignant est kofer, ne recherche pas sa Thora » mais a parlé de comparaison à un ange.

Il ne faudra donc pas oublier cette idée; si le rav ressemble à un ange au moins sur un point, recherche sa Thora, s’il ne ressemble en rien à un ange, ne recherche pas sa Thora.

Les Rishonim expliqueront de différentes manières ce conseil (yirat ‘het, naé doresh venaé mekayem,…) et certains A’haronim aussi s’en contenteront.

Le Or A’haim Akadosh (dvarim §XII, 24) par exemple dira que le rav doit observer/respecter la Thora.

Nous trouvons différentes riches explications de cette comparaison à un Mala’h (ange) chez les a’haronim qui se sont demandé comment pouvait on en attendre autant d’un être humain.

(étonnement de la majorité des commentateurs, même si le Kli Yakar (shemot §XXV, 17) semble prendre le texte à la lettre – ou presque – en l’expliquant que le Rav doit être propre de péchés comme un bébé d’un an !)

Il est vrai que nous surnommons certains rabanim «l’ange», comme Rabbi Avraham Amala’h et Amala’h rabbi Rephael Berdugo, mais comme il n’y en a pas à chaque génération, nous compromettons nos chances d’en avoir pour les générations suivantes s’il n’y avait personne pour faire passer la Thora jusque-là.

Le ‘Hatam Sofer (je ne sais plus où) interprète le vocable Mala’h comme Shalia’h, «envoyé»; si le rav se comporte dans son enseignement comme missionné par D… pour enseigner Sa Thora et non par intérêt personnel (auquel cas il serait son propre Shalia’h et non celui de D…), alors recherche sa Thora.

Si l’intention du Rav est leshem shamayim, recherche sa thora sinon, non.

Comment savoir si son intention est pure ?
Le ‘Hatam Sofer semble avoir un moyen infaillible de s’en assurer: si ce Rav n’est pas totalement écouté de tous, que des personnes (de sa kehila) sopposent à certaines de ses décisions, s’il est critiqué (généralement par un groupe bien précis de personnes), c’est qu’il opère leshem shamayim !!!

La même idée (mala’h= shalia’h) se retrouve au travers des mots de Rabbi Tsadok Acohen de Lublin dans son Ressissei Layla (§34).

Le Rav Horowitz auteur du Aflaa dans son Panim Yafot (Vayéra §XVIII, 2 et voir aussi Aazinou §XXXII, 47 et ki tissa §XXXIII, 20 ) et dans la préface de son sefer Amikna (Akdama §43) (-oui, ça se lit sefer Amikna et non sefer Amakné selon l’habitude dans les yeshivot) explique que ressembler à un mala’h fait allusion à la différence entre l’homme et l’ange au niveau de la progression spirituelle.

Chez l’ange ça stagne.
Ainsi un rav qui sait se mettre au niveau de ses élèves et leur expliquer le texte selon leur compréhension sera un rav vers lequel il faut accourir pour apprendre la Thora.
Mais un Rav qui refuse de « stagner » momentanément – lorsqu’il enseigne – car il veut apprendre tout en enseignant, ne recherche pas sa Thora car il ne saura pas la mettre à ton niveau (cependant, voir le Deguel Ma’hné Ephraïm (Yitro §XVIII, 23) qui utilisera cette idée différemment).

Ce qui veut dire que le rav se doit de préparer son cours avant de le donner, réfléchir à comment présenter les choses, dans quel ordre et de quelle manière, afin de permettre aux élèves de bien saisir son intention.

Je pense – personnellement – que ceci ne concerne que l’enseignement de la Thora, je veux dire l’étude ala’hique du Talmud et des décisionnaires. Mais il est probable qu’en matière de Moussar/’hassidout il soit préférable de laisser une place à l’improvisation, de telle sorte que les messages puissent mieux passer.

D’ailleurs nous trouvons un Rabbi ‘Hassidique qui semble vouloir dire la même chose précisément en expliquant le conseil du Talmud (si la rav ressemble à un ange etc…); dans leDivrei Ye’hezkel (parshat Matot) il explique que les anges ne savent pas à l’avance quelle sera leur mission, même leur nom changera en fonction de la mission. Ainsi un Rabbi qui doit dire une « thora » (enseignement ‘hassidique) à ses ‘hassidim devra laisser libre cours à son inspiration sur place et ne rien préparer à l’avance.

Nous trouvons énormément d’autres explications sur ce texte dans les sifrei ‘hassidout.
En citer un échantillon prendrait trop de temps.

Je conseillerais néanmoins la lecture du Divrei Yoel dans parshat ‘Hayei Sarah et dans Parshat Emor et du Yisma’h Moshe dans parshat Toldot (69a).

Ailleurs, le Panim Yafot (Vaet’hanan §VI, 5) expliquera plus simplement qu’un mala’h ne fait pas son travail dans l’espoir d’être récompensé mais parce qu’il pense que c’est ce qu’il doit faire pour la gloire de D…, ainsi un Rav qui enseigne dans cette optique sera un rav qu’il faudra rechercher pour apprendre de lui la Thora.

Rabbi Yaacov Emden dans son Shéilat Yaabets (I, §5) semble expliquer qu’un rav qui ressemble à un mala’h ne cherchera pas à avoir raison s’il pense qu’il a tort. Il reconnaitra – même à son élève – qu’il se range à son avis.

Rav Klein, dans son Shout Mishné Ala’hot (V, §188,6) dans une réponse sur l’exagération et l’amplification des titres honorifiques dans le monde de la Thora de nos jours, explique que la recommandation d’étudier chez un Rav qui ressemble à un ange concerne l’élève et non directement le Rav; si l’élève voit et respecte son Rav comme un mala’h, alors il pourra apprendre de lui la Thora.
Mais si le respect qu’il voue à son Rav est limité, il ne pourra pas apprendre (convenablement) la Thora de ce Rav.

Il se répètera dans d’autres tomes de son Mishné Ala’hot (XII, §481), (VI, §30) et (VIII, §225) – où il s’agit d’une lettre (datée de 1977) envoyée au Steipler qu’il qualifie lui-même de Rav Adomé Lemala’h.

(Cependant, voir ce qu’il écrira dans les tomes XI, §115 et XIII, §159 ) (voir encore dans tome XII fin de §124 où ressembler à un mala’h est étudier avec un petit.)

Le Rabbi de Tsanz dans son Shout Divrei Tatsiv (yoré déa fin de §139) explique que ressembler à un mala’h c’est ne pas être au courant de ce qui se passe ici-bas, et continuer à trancher la ala’ha comme l’ont fait nos ancêtres depuis matan thora…

Si cette explication est – selon moi – à remettre dans son contexte historique, elle n’est pas à négliger totalement même aujourd’hui.

Il est en tout cas clair selon tout le monde que la yirat shamayim et l’accomplissement des mitsvot est une condition indispensable pour enseigner la Thora.
À lus forte raison le sera-t-elle pour l’enseignement de la Kabbale qui a une fâcheuse tendance à être enseignée par des personnes qui ne respectent pas toutes les mitsvot.

Il est clair que les dégâts d’un enseignant non yeré shamayim risquent d’être multipliés si le sujet étudié est un sujet kabbalistique.

C’est ce que souligne Rav Ovadia Yossef dans son Ye’havé Daat (IV, §47).

Rav Binyamin Wttenberg – Tehouvot.com