Pendant cette période où l’on compte quotidiennement l’Omer, nous lisons dans la Torah la section de Kédochim, dont nos Sages ont pu dire que « la majorité des principes de la Torah s’y trouvent », (Torat Cohanim). Or, celle-ci débute par l’injonction : « Soyez saints, car Je suis saint, Moi l’Éternel ! ».

Cette lecture, qui survient toujours pendant l’Omer, n’a incontestablement rien d’un hasard : ce décompte quotidien qu’on y opère a en effet pour objet de nous conduire jusqu’au Don de la Torah dont le but n’est rien moins que de faire de nous un « une nation de prêtres, un peuple saint » ! Quoi donc de plus naturel que de nous efforcer, durant ces quelques semaines, d’augmenter notre potentiel de sainteté, comme nous le proclamons avant chaque mitsva réalisée : « Qui nous a sanctifiés par Ses commandements (…) ».

Comme un seul homme !
De fait, cette paracha énonce d’emblée l’un des principaux éléments de cette notion de sainteté : « Parle à toute l’assemblée d’Israël en disant : Soyez saints (…) ». Chose peu commune dans l’expression de ce verset, Moché est enjoint de s’adresser à l’assemblée d’Israël dans son intégrité. Ceci n’est pas sans rappeler la Révélation du mont Sinaï où l’on a pu également assister à un phénomène semblable faisant l’ensemble du peuple hébreu – hommes, femmes, enfants et vieillards ! – témoin de cet événement. En outre, on constate qu’à peine arrivés dans le désert du Sinaï, avant même le Don de la Torah, le peuple d’Israël avait déjà parfaitement perçu ce message puisqu’il y arriva « comme un seul homme, d’un même cœur ».

Nous voyons donc bien que la première étape conduisant à la sainteté réside dans la solidarité au sein du peuple, seule garante de l’union d’Israël à l’image d’un seul être. L’image qu’évoque à ce sujet le Ohev Israël dans les lignes suivantes apporte un remarquable éclairage sur cet aspect de la sainteté : « Il est dit : ‘ La bougie de D.ieu, c’est l’âme de l’homme ’. Or, comme nous le voyons couramment, une bougie peut parfois avoir des difficultés à briller et à éclairer convenablement lorsqu’elle est seule. Pourtant, lorsqu’on l’associe à de bonnes bougies, elle s’annule à elles et son éclat s’ajoute aux leurs. Ainsi en est-il des âmes du peuple juif : lorsqu’elles sont unies, même celles qui, seules, n’éclairent que modestement commencent à briller par leur association à l’ensemble des âmes d’Israël. À leur tour, elles s’éveillent au service du Créateur comme il est dit : ‘ Toute l’assemblée des enfants d’Israël ’ – c’est-à-dire que toutes les âmes rejoignent celle de l’assemblée sainte et alors : ‘ Vous serez saints ’, parce que chaque Juif aura ainsi la capacité à s’élever en sainteté ».

Contribuer au bien de l’assemblée
Le Bet Israël (Kedochim 5711) explique que lorsqu’un homme s’associe à une communauté et prend part à ses activités – en s’efforçant d’apporter son aide à chacun -, sa démarche s’inscrit dans celle du célèbre adage talmudique : « J’ai beaucoup appris de mes maîtres (…) et de mes disciples plus que tous ! ». Parce que lorsqu’on contribue à l’élévation spirituelle d’autrui, on reçoit de par là-même une bénédiction exceptionnelle.

Le Bet Israël cite à ce propos un remarquable commentaire du Talmud de Jérusalem relatif au verset « Maudit soit celui qui ne soutiendra pas les paroles de cette Torah » (Dévarim, 27, 26), où l’on peut lire : « Quiconque aurait appris la Torah et l’aurait enseignée, l’aurait respectée et accomplie, mais qui aurait eu l’occasion de soutenir autrui dans son respect et ne l’aurait pas fait, sera considéré comme ‘ maudit ’ ! ».

Et si ces propos n’étaient pas suffisamment explicites, on peut lire dans la suite de ce passage : « Quiconque n’aurait ni appris, ni enseigné la Torah, ne l’aurait ni respectée ni accomplie, mais qui aurait soutenu autrui dans son accomplissement sera considéré comme ‘ béni’ ! »… Le Bet Israël en tire une conclusion sans équivoque : « Ceci nous apprend que même l’homme possédant tous les mérites a le devoir d’influer sur autrui ; et même celui qui est dépourvu de capacités, s’il influence autrui dans sa conduite, sera béni ».

Se cacher dans un lieu occulte…
Il en résulte que contrairement à l’approche généralement admise, la sainteté ne s’acquiert pas dans la solitude ni en vivant en ermite. On peut mentionner à ce sujet les propos fort clairs du « Maor Vachémech » (sur notre paracha) : « Certains hommes pensent que l’unique moyen de s’attacher au Créateur consiste à s’isoler en s’enfermant à l’intérieur d’une chambre hermétiquement close et en y étudiant à longueur de temps sans adresser la parole à qui que ce soit ; selon eux, cette attitude représente l’essentiel du service divin permettant d’atteindre la ‘ dvékout ’ [l’attachement à D.ieu]. Mais ceci n’est pas l’absolue vérité, car il se peut que l’homme s’isole pendant plusieurs années sans parler à quiconque mais sans jamais atteindre la Vérité ».

À ce propos, il cite un enseignement de rabbi Eliméle’h de Lizensk, zatsal, concernant le verset de Jérémie « Si un homme se cache dans un lieu occulte, Moi Je ne le verrai pas, parole de l’Éternel » (23, 24). Selon lui, le prophète déclare là par ces mots que si l’homme vit en ermitage et s’éloigne de toute société, son sort débouche sur le fait que même « Moi » – D.ieu lui-même – ne le trouvera pas…
Au contraire, poursuit le Maor Vachémech, la voie menant à un service divin convenable se trouve aux antipodes de cette tendance à l’isolement : « L’essentiel consiste à s’unir aux Juifs justes et bons ; en s’inspirant de leurs actes, l’homme pourra servir D.ieu de manière authentique. Car en vérité, l’essentiel de l’isolement consiste à savoir isoler nos pensées, à méditer constamment l’Éminence du Saint Béni soit-Il, tout en évoluant à l’intérieur d’une vie communautaire ».

Par Yonathan Bendennnoune