Le récit de la parachat Balak  met en lumière des ressemblances étonnantes entre les deux personnages de la Tora  aussi dissemblables que sont Abraham et Bil‘am.

Aussitôt après avoir reçu de Hachem  l’ordre de sacrifier son fils Isaac, « Abraham se leva de bon matin et sangla son âne » ( Berèchith  22, 3), tandis que Bil‘am, après qu’il eut reçu la permission de Hachem  de suivre les princes de Moab, « se leva le matin et sangla son ânesse » ( Bamidbar  22, 21).
La raison de cette similitude, comme l’indiquent divers textes talmudiques, comme Sanhédrin 105b, et midrachiques, comme Berèchith rabba 55, 8, rapportés par Rachi , est que l’amour tout autant que la haine « abolit la hiérarchie des rangs de grandeur », autrement dit fausse le jugement.
Cette similitude, apparemment paradoxale, de ces deux sentiments en réalité aussi contraires, nous pouvons l’observer dans toutes les passions humaines. Si l’amour que portait Abraham à Hachem et la haine que Bil‘am vouait à Israël ont employé les mêmes canaux pour s’exprimer, c’est qu’il arrive un moment où l’un comme l’autre nous interdisent toute réflexion et tout esprit critique, où l’un comme l’autre deviennent voués uniquement à l’action et nous privent de toute possibilité d’un regard en arrière.

Haftarath parachath Balaq – « Depuis le Chitim jusqu’au Guilgal »

« Mon peuple, souviens-toi, je te prie, de ce qu’a médité Balaq, roi de Moav, et de ce que Bil‘am, fils de Be‘or, lui répondit, depuis le Chitim jusqu’au Guilgal, afin que vous connaissiez la justice de Hachem » (Michée 6, 5).

Ce verset, qui fait partie de notre haftara, comporte une part de mystère.

Nous savons que c’est à Chitim que Bil‘am a réussi à inciter les enfants d’Israël au péché, puisque c’est à cet endroit qu’ils se sont prostitués avec les filles de Moav (Bamidbar 25, 1 et suivants), avec la catastrophe que cette débauche a entraînée : Vingt-quatre mille morts (Ibid. 25, 9).

Mais qu’en est-il de Guilgal, dont le nom n’est mentionné dans la Tora que d’une façon tout à fait incidente (Devarim 11, 30) ?

C’est à Guilgal que les enfants d’Israël, après qu’ils eurent traversé le Jourdain, firent leurs premiers pas en Erets Yisraël, et c’est à Guilgal qu’ils pratiquèrent pour la première fois la circoncision depuis qu’ils étaient sortis d’Egypte (Josué 4, 19 et 5, 2).

En d’autres termes, alors qu’ils avaient gravement péché au moment même où ils étaient sur le point d’entrer en terre de Canaan, Hachem leur a octroyé son pardon dès l’instant où ils y ont pénétré.

Et c’est pour répondre à l’inquiétude d’Israël, qui se demande si « Hachem, eu égard à ce pardon, prendra plaisir à des milliers de béliers, à des myriades de torrents d’huile » (Michée 6, 7), que le prophète lui répond qu’Il attend de lui seulement de pratiquer la justice, d’être pénétré d’amour envers les hommes et d’humilité envers Lui (6, 8).

Jacques KOHN zal