Eliézèr, serviteur d’Abraham, a servi fidèlement son maître dans trois circonstances décrites dans la Tora.

C’est lui qui s’est porté au secours de Lot, qui avait été fait prisonnier au cours de la « guerre des rois » (voir Rachi ad Berèchith 14, 14). C’est lui qui, plus tard, a été chargé par Abraham de chercher une épouse pour Isaac (Berèchith 24, 1 et suivants).
C’est Eliézèr enfin qui, aux côtés d’Ismaël, a accompagné Abraham et Isaac lorsqu’ils se sont rendus, sur l’ordre de Hachem, sur le mont Moria pour la ‘aqèda (voir Rachi ad Berèchith 22, 3).

Longtemps persuadé qu’il ne laisserait pas de descendance, Abraham l’a considéré comme son héritier présomptif (Berèchith 15, 2).

Selon le Yalqout Chim‘oni Berèchith (24, 103), Eliézèr était le fils de Nemrod. Celui-ci, après avoir assisté à la sortie miraculeuse d’Abraham de la fournaise ardente, se serait repenti de ses fautes et lui aurait offert son fils comme esclave (Séfèr ha-yachar Noa‘h 42).

La Tora nous présente Eliézèr comme originaire de Damas (damésseq – Berèchith 15, 2). Selon le midrach (Berèchith rabba 44, 9), il tiendrait cette appellation de ce qu’il avait poursuivi les rois jusqu’à Damas. Quant à la Guemara, elle la comprend au travers d’un jeu de mots : « Il a puisé » (dolé) de la Tora de son maître et en a « donné à boire » (machqé) aux autres gens (Yoma 28b).

Eliézèr avait une fille, dont il espérait qu’elle deviendrait l’épouse d’Isaac. Mais Abraham lui déclara : « Mon fils est béni et toi, tu es maudit [comme descendant de Canaan]. Or, le maudit ne peut s’unir au béni ! » (Berèchith rabba 59 – voir Rachi ad Berèchith 24, 39). Son dévouement dans l’exécution de la mission que lui avait confiée son maître n’en a été que plus remarquable.

Eliézèr a été le témoin – et presque la victime – des injustices et de la cruauté qui caractérisaient la société de Sodome. En porte témoignage la Guemara (Sanhédrin 109b) dans une suite de récits qui attestent également de la finesse d’esprit du serviteur d’Abraham :

« Quand un homme avait blessé quelqu’un, on disait à la victime : “Donne lui un salaire pour t’avoir fait une saignée !”

[…]

Un jour est arrivé Eliézèr le serviteur d’Abraham. On l’a frappé et blessé. Il est allé devant le juge, lequel lui a dit :  “Donne lui un salaire pour t’avoir fait une saignée !” Il a pris alors un objet et a blessé le juge. Celui-ci lui a dit : “Qu’est-ce que cela veut dire ?” Eliézèr lui a répondu : “Le salaire qui m’est dû pour t’avoir frappé, donne-le à l’autre, et mon argent à moi me restera.”

Il y avait à Sodome un lit où l’on faisait coucher les voyageurs de passage. Si la taille de ceux-ci était trop grande, on leur coupait les pieds ; si elle était trop courte, on les étirait jusqu’à les arracher.

Eliézèr étant venu dans la ville, on lui a dit d’aller se coucher dans ce lit. Mais il a répondu : “J’ai fait le vœu le jour où ma mère est morte de ne plus jamais m’étendre sur un lit.”

Une autre fois Eliézèr est arrivé à Sodome, où avait lieu un repas de noces. Comme il était interdit aux habitants de donner à manger à un visiteur, on ne lui a rien servi. Comme il voulait manger, il est allé s’asseoir en bout de table. Quelqu’un lui a demandé : “Qui t’a invité à venir ici ?” “Mais c’est toi qui m’as invité, répondit Eliézèr !” L’autre a pris peur et s’est enfui. Et la même scène s’est reproduite avec tous les autres convives, tant et si bien qu’ils sont tous partis et qu’Eliézèr a pu tranquillement se restaurer. »

En récompense du dévouement dont avait toujours fait preuve son serviteur, Abraham l’a émancipé et lui a offert en apanage le royaume de Bachane, sur lequel il a régné sous le nom de ‘Og (voir notamment Yalqout Chim‘oni Berèchith 24, 109).

Mais sa plus grande récompense a été celle que lui a accordée Hachem en le faisant entrer vivant au Gan ‘Eden (Yalqout Chim‘oni Ye‘hezqèl 28, 367).

Jacques KOHN Zal